Vasco da Gama - 1er voyage pour les Indes 1497

Départ de Vasco de Gama pour les Indes (Alfredo Roque Gameiro)

VASCO DE GAMA


Vasco da Gama, le découvreur de la route des Indes, naquit dans la petite ville de Sines, à vingt quatre lieues de Lisbonne. Ainsi que pour Christophe Colomb, l'on ignore la date de sa naissance.
Vue de Lisbonne
Il est impossible d'admettre celle de 1469 que donnent certains historiens. S'il en était ainsi, il n'aurait pas eu vingt-neuf ans au moment de son départ. Cette opinion n'est pas soutenable, lorsqu'on sait que Vasco da Gama était déjà connu depuis plusieurs années comme un marin expérimenté. Si bien que, dès le retour de Barthélemy Diaz, en 1487, ses talents inspiraient une telle confiance que le roi Jean II l'avait choisi pour commander une nouvelle expédition dont le but était d'ouvrir la route des Indes. Enfin, nous voyons qu'en 1478 un sauf-conduit avait été accordé par Ferdinand et Isabelle à deux personnages nommés Vasco da Gama et Lernos pour se rendre à Tanger. Ce Vasco da Gama n'était autre que le Découvreur. Il est difficile  de supposer qu'un passeport de cette nature ait été délivré à un enfant de moins de dix ans; sans pouvoir rien affirmer, l'on peut dire qu'en 1497 Vasco da Gama devait approcher de la cinquantaine.
  
Selon Carvalho, la famille des Gama remontait jusqu'au treizième siècle» et si l'on s'en rapporte à d'anciennes traditions, elle serait issue d'une branche illégitime de la maison royale de Portugal. Au seizième siècle, Alvaro Eanes da Gama avait contribué par son courage à la conquête des Algarves. De ce personnage était descendu Estevao da Gama, né à Olivença, avec qui commença l'illustration de la famille. Le père du découvreur de la route des Indes, qui
portait le même prénom que son aïeul, Estevao, jouissait d'une haute réputation comme marin. Il s'était marié avec dona Isabelle Sodré, et il en avait eu plusieurs enfants dont Vasco et Paul, qu'il destina de bonne heure à la marine, où il s'était fait un nom. Tout porte à croire que Vasco da Gama commença sa carrière dans les mers d'Afrique. Le premier historien qui ait écrit sur les Indes, Fernand Lopez de Castanheda, aime à rappeler qu'avant ses mémorables découvertes, Vasco da Gama avait acquis une grande expérience de la navigation. 
Sous Jean II, il avait été chargé d'aller saisir dans les ports du royaume les navires français qui s'y trouvaient mouillés. Cet acte de violence n'était qu'un mode de représailles qui se justifiait par la prise d'un vaisseau portugais, revenant d'Elmina, chargé d'or, que des corsaires français avaient capturé en pleine paix. La restitution du bâtiment ayant été ordonnée par Charles VIII, Vasco da Gama n'eut pas à prolonger la lutte. Sans rien préciser, mais, selon toutes probabilités, ce fut entre le retour de Barthélemy Diaz et son départ pour l'Inde que Vasco da Gama épousa dona Catarina de Attayde. ne fallait pas, dit Duarte Pacheco, que pour l'accomplissement de pareilles découvertes les navires fussent d'un port trop considérable ou en trop grand nombre. En conséquence, le roi Notre Sire ordonna la construction de quatre petits bâtiments dont le plus grand ne devait pas excéder cent tonneaux, parce que, pour sa diriger vers des terres si peu connues et même si complètement ignorées, il n'était pas nécessaire qu'ils fussent plus grands.





Ceci fut ordonné pour qu'ils pussent entrer et sortir présentement partout.
D'habiles constructeurs, secondés par d'habiles ouvriers, les exécutèrent, en y employant les bois les plus solides et les ferrements de première qualité. Chaque navire fut pourvu d'un tripla rechange de voiles et d'amarres. Les autres apparaux aussi bien que les cordages furent doublés trois a quatre fois. Lès fûts des tonneaux, des pipes, des barils propres à contenir le vin, l'eau, lé vinaigre,
l'huile, furent renforcés par de nombreux cercles de fer, pour assurer ce qu'ils contenaient. Les approvisionnements en pain, vin, farine, viande, légumes, objets de pharmacie, l'artillerie, l'armure de toutes sortes, tout fut fourni en aussi grande quantité que les circonstances le requéraient. Il y eut même, on peut le dire, du superflu. Les principaux pilotes, les meilleurs marins, les plus
habiles en l'art de la navigation que renfermait le pays furent envoyés avec Vasco da Gama frère Paul, et le Berrio un marin fort expérimenté, Nicolas Coelho.
Un officier de la maison de Vasco da Gama était chargé de la pinque.
Les équipages de ces quatre bâtiments ne s'élevaient qu'à cent soixante hommes, et pour les compléter il fallut y joindre dix condamnés à mort. Las rôles des équipages n'ont pas été conservés,
et l'on ne connaît les noms que de quelques compagnons de Vasco da Gama. Parmi les pilotes se trouvait Pero de Alemquez, qui avait accompagné Barthélemy Diaz, et parmi les officiers deux interprètes, Fernâo Martins pour la langue arabe et Martim Assomfo pour celle des noirs.
Port de Lisbonne
Dès que l'escadre fut en état de prendre la mer, Vasco da Gama se rendit avec ses officiers à la Cour, qui résidait alors dans une petite ville de l'Alentejo, à quelques lieues d'Evora, à Estrevoz.
Le roi Emmanuel reçut avec une grande solennité le navigateur et ses  compagnons. Il leur rappela qu'ils avaient toute sa confiance et les encouragea. à exécuter le projet qui devait assurer là grandeur.
du Portugal. Il donna ensuite à Vasco da Gama des lettres pour le roi des Indes, l'itinéraire envoyé par Pedro de Covilhã, et lui remit entre les mains un étendard où l'on avait représenté les traits du Rédempteur. Vasco da Gama s'agenouilla, et prêta serment tant en son nom qu'au nom de tous les siens; après quoi, il revint à Lisbonne, où devait avoir lieu l'embarquement.






III

Jusqu'à ces derniers temps, l'on était indécis sur le jour où partit Vasco da Gama. Aujourd'hui, l'on sait d'une manière certaine que ce fut le samedi 8 juillet 1497. La flottille mit à la voile à un endroit appelé le Restello ou le Rostello. Non loin de là, à Belém, s'élevait une modeste église consacrée à la Vierge et élevée par le prince Henri. La veille de son départ, Vasco da Gama s'y était rendu avec ses gens pour y passer la nuit en prière. Trois ans plus tard, à cette même place, l'on devait bâtir une basilique et un monastère pour accomplir le voeu que l'on avait fait dans le cas où l'expédition réussirait. Le lendemain, Vasco da Gama et ses compagnons communiaient et se mettaient ensuite en marche vers leurs vaisseaux..Ils y arrivèrent pieds nus, la tête découverte, tenant un cierge à la main, en ordre de procession, accompagnés d'un grand nombre de prêtres et de moines et suivis d'une foule prodigieuse qui remplissait l'air de leurs chants religieux. Arrivés sur le prodigieuse qui remplissait l'air de leurs chants religieux. Arrivés sur le port, tous se mirent à genoux et reçurent de nouveau l'absolution générale, comme pour mourir. Barthélemy Diaz avait donné une idée si terrible des mers voisines du Cap des Tempêtes, qu'on regardait comme autant de victimes condamnés à une mort presque certaine ceux qui allaient les affronter. Désormais rassurés sur le salut de leurs âmes, ces hommes se sentaient prêts à tout oser. Ordre fut donné de lever l'ancre immédiatement.
La petite flottille ne tarda pas à prendre la haute mer. Le 15 juillet, c'est-à-dire huit jours après son départ; elle se trouvait en vue des Canaries, à peu de distance de l'île Lanzarote. Avec le soir survint un brouillard qui prit tout à coup une telle intensité que les bâtiments se perdirent de vue. On se rejoignit aux îles du Cap-Vert, où l'on s'était donné rendez-vous, à l'île Santiago, et le jeudi 20 juillet l'escadre mouillait devant la plage de Santa-Maria.

Le voyage de Vasco da Gama: du 8 juin de 1497 au 20 mai de 1498
On s'y procura de la viande, de l'eau, du bois, et l'on fit quelques réparations aux vergues des bâtiments. Le 3 août, l'escadre reprenait de nouveau la mer, après s'être séparée de Barthélemy Diaz, qui se rendit à Elmina et partit dans la direction de l'Est.
La navigation n'offrit rien de remarquable, d'autant plus que le vent était favorable.
Le 18 août, la flottille était arrivée à environ deux cents lieues des îles du Cap-Vert, lorsque la vergue du Sam-Gabriel se cassa; l'on dut mettre en panne pendant deux jours et une nuit pour réparer cette avarie. Après quoi l'on se remit en marche. Les Portugais calculaient qu'ils pouvaient être fort loin
de la côte, et cependant, à leur grand étonnement, ils apercevaient de nombreux oiseaux ressemblant à des hérons, qui Volaient contre le sud-ouest, comme pour regagner la terre. Les vaisseaux continuaient leur route sans rien rencontrer. Dans la deuxième quinzaine d'octobre, des baleines se montrèrent en grand nombre, ainsi, que des phoques et des loups marins. Le 1er novembre, on remarqua de nombreux indices de la proximité de la terre, consistant en certaines espèces d'algues flottant à la surface des flots, et qui ne croissent que le long des côtes. Le 4 novembre, à deux heures du matin, l'on jetait la sonde, et l'on trouvait fond par cent dix brasses.
A neuf heures du matin, la terre était en vue. Tous les bâtiments se pavoisèrent et l'on salua le rivage par plusieurs décharges d'artillerie.

le Saint Gabriel commander par Gama 
Le voyage de Vasco de Gama : Lorsque les bateaux quittent le port de Lisbonne, quatre caravelles prennent part à la grande expédition. Le bateau amiral, commandé par Vasco de Gama, était le San Gabriel. Pablo de Gama, le frère de Vasco, menait le San Raphaël, tandis que le Berrio marchait sous les ordres de Nicolau Goelho; le bateau qui transportait les vivres était conduit par Gonzalo Nunes

Après avoir côtoyé pendant quelques jours, on découvrit une côte basse où s'ouvrait une baie spacieuse offrant un abri assez sûr. Le mercredi 8 novembre, on y jeta l'ancre.
Cette baie reçut le nom de baie de Sainte-Hélène. Les Portugais y restèrent huit jours, Vasco da Gama voulait donner quelque repos à ses équipages et réunir toutes les observations que cette
navigation de trois mois lui avait suggérées. Le pays jouissait d'un climat salubre, et l'en y trouva des oiseaux semblables à ceux du Portugal, tels que des corbeaux, des mouettes, des tourterelles, des alouettes. Pour la première fois l'on eut connaissance des Boschimens, qui se rattachent à la race des Hottentots. Les Portugais furent assez heureux pour s'emparer de l'un d'eux, au moment où il recueillait dans un fourré le miel que les abeilles en ce pays déposent au pied des arbres. Les marques d'amitié que lui prodigua Vasco da Gama décidèrent nombre de ses compagnons à venir voir les blancs et à entrer en rapport avec eux. C'était un peuple sauvage, misérable, qui se nourrissait de chair de gazelle, de poissons, de racines, et les Portugais ne purent en obtenir que fort peu de renseignements. Les marchandises qu'on leur montrait, et qui consistaient en cannelle, clous de girofle, perles, étaient pour eux inconnues. Ils ne portaient pas d'autres ornements que des coquilles à l'apparence argentée et de petites chaînes de cuivre qu'ils attachaient aux oreilles. Quelques-uns avaient des queues de renard fixées à des bâtons, et ils s'en servaient en guise de chasse-mouches. Ces noirs étaient d'humeur pacifique. Néanmoins les Portugais en vinrent aux mains 'avec eux, et leurs relations finirent d'une façon assez tragique.
Un soldat nommé Fernand Vellaso avait obtenu l'autorisation d'aller se promener au village des indigènes afin de voir leurs cases. Il était parti avec les noirs, qui s'en allèrent faire rôtir et manger dans une lande un veau marin dont ils s'étaient emparés. Ils en donnèrent une part au Portugais, ainsi que des racines dont ils se nourrissaient. Le repas terminé, ils lui firent signe de retourner vers les vaisseaux, ne voulant pas qu'il les accompagnât jusqu'à leurs cases. Vellaso revint-au rivage; quand il l'eut atteint, il-se mit à appeler ses compagnons. Sur ces entrefaites des noirs sortirent des halliers où ils étaient restés cachés et se mirent' à courir le long de la plage. Vellaso, s'imaginant qu'on en voulait à sa vie, prit la fuite. A ce moment les équipages faisaient de l'eau:
A la vue de leur compagnon, qui paraissait être menacé par un danger imminent, ils coururent aux armes. De leur côté, les nègres, en se voyant sur le point d'être attaqués, firent pleuvoir une grêle de cailloux et de flèches. Vasco da Gama fut blessé avec trois ou quatre hommes. Le combat aurait été acharné sans la prudence de Vasco da Gama, qui donna le signal de la retraite. Le i6 novembre,
on quitta la baie de Sainte-Hélène.
L'escadre gagna bientôt la pleine mer. Les Portugais ignoraient où ils se trouvaient. Le pilote Pedro d'Alemquez, qui avait accompagné Barthélemy Diaz, croyait qu'on devait être» à une trentaine de lieues du Cap, et il ne se trompait pas beaucoup. La direction que l'on suivait était le sud-est. Le samedi soir, 18 novembre, l'on aperçut le Cap. Comme les vents étaient contraires, l'escadre dut pendant trois jours courir des bordées, et, le mercredi 22 novembre, elle passait à midi devant le cap redouté. II y avait quatre mois et demi qu'elle avait quitté Lisbonne. Cette traverse avait été merveilleuse, étant données les difficultés éprouvées naguère par Barthélemy Diaz pour atteindre le même but. En arrivant au cap de Bonne-Espérance, les Portugais furent surpris de ne pas y
essuyer les tempêtes terribles dont on leur avait tant parlé.
Dans son poème des Lusiades, Camoes, et dans son magnifique récit, Osorio nous parlent des luttes effroyables que les marins portugais auraient eu à soutenir contre les flots de ces mers nouvelles, Les équipages se seraient mutinés; à un moment donné, Vasco da Gama aurait dû faire mettre aux fers les chefs de la sédition et prendre lui-même en main le gouvernail. Les choses se sont passées d'une manière moins tragique. L'historien Barros, dont l'autorité semble croyable, ne fait pas allusion à ces fureurs de l'Océan.
Il en est de même du journal publié par l'un des compagnons de Vasco da Gama.
Pleins de confiance, les Portugais continuèrent leur route et s'en allèrent mouiller, le 25 novembre, à soixante lieues plus loin que le Cap, dans la baie de Saint-Braz. Vasco da Gama y resta treize jours pour y réparer quelques avaries et en profita pour nouer des relations avec les indigènes, les Gonaquas, qui appartenaient à la race hottentote, alors si nombreuse. Ces indigènes par leurs
traits rappelaient beaucoup ceux de la baie de Sainte-Hélène; comme eux ils étaient basanés. Ils formaient une 'peuplade de pasteurs, qui faisaient paître de nombreux troupeaux le long du littoral.
Ces noirs paraissaient n'avoir aucune crainte des blancs, et pour quelques verroteries qu'on leur donna, ils amenèrent des bœufs, des vaches et des moutons. Ils pouvaient être quatre ou cinq cents hommes, femmes et enfants. Quelques-uns d'entre eux se mirent à jouer de la flûte et les autres à danser. Loin de vouloir troubler cette gaieté, Vasco da Gama voulut la rendre plus complète
il fit sonner les trompettes, et les équipages se mirent à exécuter une danse plus ou moins régulière..
la première messe à Santa Cruz
Dans la baie de Saint-Braz, l'un des premiers soins de Vasco da Gama avait été de brûler sa pinque, qu'il jugeait lui être inutile, après en avoir réparti les vivres sur les autres vaisseaux. Dans le séjour. qu'ils firent sur ce rivage, les Portugais ne se hasardèrent pas à pénétrer dans l'intérieur du pays, mais les observations qu'ils nous ont transmises sont fort judicieuses. Les bracelets d'ivoire
que portaient les nègres leur firent supposer, et avec raison, que les éléphants devaient être fort nombreux dans cette région. Les bœufs étaient de grande taille, quelques-uns noirs où dépourvus de cornes. Ils paraissaient très doux, et les indigènes les montaient en guise de chevaux, en leur faisant porter un bât confectionné en paille. A l'entrée de la baie, il y avait un îlot où se donnaient
rendez-vous les loups marins, dont certains étaient aussi grands que d'énormes ours, et qui avaient de grandes dents et étaient fort redoutables.
L'on trouva aussi sur cet ilot de nombreux pingouins, dont le cri, au dire des Portugais, ressemblait à celui de l'âne. Comme ils ne connaissaient pas cet oiseau, ils le définirent, un canard qui ne.
vole pas et n'a pas de plumes aux ailes. La baie de Saint-Braz n'a pas, gardé son ancienne dénomination et a reçu le nom hollandais de Mossel-Bay. Actuellement, une ville du même nom, assez florissante par son commerce, s'élève sur ses bords. Les loups marins ont disparu, ainsi que dans la plupart de ces parages. Avant de quitter cette baie, Vasco da Gama fit élever sur sa rive une colonne surmontée d'une croix faite de deux portions de mât.
Le navigateur continua sa route et s'en alla mouiller dans un petit port situé à deux lieues de la baie de Saint-Braz. Peu après, le jour de la Conception, profitant du vent qui était devenu favorable, il remettait à la voile et prenait de nouveau la pleine mer.
Il fut alors tout à coup assailli par l'une de ces terribles tempêtes, qui désolent si souvent ces parages. Les matelots, ne doutant point que leur dernière heure fût venue, n'écoutaient plus la voix de leurs chefs. Agenouillés sur le pont de leurs navires, ils n'attendaient leur salut que de leurs prières et non de leurs manœuvres. Vasco da Gama dut prendre lui-même le timon en main. Mais il est
inexact que ses hommes aient; voulu le jeter à la mer. Le calme se rétablit enfin; les Portugais avaient atteint le dernier des padraos élevés par Barthélemy Diaz durant son voyage, l'îlot Da Cruz, et se trouvaient à cent vingt lieues du Cap. Au delà de cette limite commençait l'inconnu. Vasco da Gama rasa une longue côte qu'il nomma côte de la Natalité ou de Natal, parce qu'il l'avait découverte
le jour de Noël. Il y avait urgence pour lui à gagner un port.

L'eau potable commençait à manquer à ses équipages, qui en étaient réduits à faire cuire leurs aliments avec l'eau de mer.
Heureusement, le 10 janvier, ils découvrirent un petit fleuve à l'entrée duquel ils jetèrent l'ancre. Comme le pays leur parut posséder beaucoup de cuivre, ce petit fleuve, reçut le nom de Rio de Cobre (rivière du Cuivre).
Pendant la courte relâche qu'ils, firent sur cette côte, les Portugais parvinrent à se débarrasser momentanément du scorbut, qui commençait à les décimer. Ils avaient abordé à la région où dominaient les Cafres; noirs de haute taille «t redoutables par leurs arcs de grande dimension et leur zagaies garnies de longues pointes de fer: Leurs cases étaient en paille, et ils n'avaient guère pour ustensiles que d'énormes calebasses. Le pays semblait être assez agréable, et, à mesure que l'on s'avançait à l'intérieur, il se couvrait de beaux arbres, on y voyait de nombreux troupeaux.
L'on n'eut qu'à se louer des noirs, qui prenaient plaisir à nouer des relations avec les blancs. Aussi les Portugais, charmés d'un accueil aussi sympathique, désignèrent cette contrée sous le nom de terra da Boa Gente, la terre de la Bonne Nation. Ce nom est resté, car on appelle encore aujourd'hui Aiguadé da Boa Gente ou da Boa Paz un mouillage situé au nord de la baie de Lourenço Marqués, entre le fleuve de Lagoa et celui d'Inhampura.

IV

Jusqu'alors Vasco da Gama avait suivi exactement les indications de Barthélémy Diaz et s'était tenu à proximité du continent. Désormais, manquant de renseignements, il avait dû se fier à sa propre inspiration, car à partir de la terra da Boa Gente, la côte fait une courbe assez sensible. Il craignait, en la suivant de trop près, de pénétrer dans un golfe d'où il lui serait difficile, sinon impossible
de sortir; aussi préféra-t-il prendre le large. Il passa ainsi, sans s'en douter, en vue de Sofala, ville alors riche et commerçante où il eut été facile de trouver du repos et de se ravitailler, et un peu plus au nord il prenait terre à l'embouchure d'un fleuve qui n'était autre que le Zambèze. Les habitants de ce pays étaient des nègres, mais parmi eux se trouvaient des hommes au teint olivâtre, ce qui indiquait le voisinage des blancs. Ils portaient des pagnes de coton, de toile peinte, des turbans, des bonnets de soie. ou d'étoffe, garnis d'ornements en or et en argent. Leurs barques n'étaient pas des pirogues comme celles des sauvages, mais des almadies dont lès voiles étaient faites de feuilles de palmier et qu'ils maniaient avec dextérité. Il s'en trouva parmi eux qui parlaient l'arabe. 


Ils entretinrent Vasco da Gama et ses compagnons et les assurèrent qu'en montant plus haut ils trouveraient des blancs comme eux, des vaisseaux à peu près. semblables aux leurs, qui se rendaient dans de riches contrées situées au delà de l'Océan, pour y faire le commerce.
Ces indications ranimèrent le courage des Portugais, qui étaient presque désespérés de ne, trouver partout sur leur route que des peuplée misérables dont ils ignoraient la langue, et dont ils pouvaient à peine tirer quelques vivres. Certain d'achever le tour de l'Afrique et persuadé qu'il était- sur. là route des Indes, Vasco da Gama sentait renaitre ses forces avec son espérance. Il prit la résolution de faire radouber ses)vaisseaux; qui en avaient grand besoin;
il fut en, cela aidé par les  indigènes, qui. lui donnèrent tous les secours dont ils pouvaient disposer. S'il ne put pénétrer dans l'intérieur du pays, il remarqua que le fleuve où il était entré devait être important et que. sur ses rives, des arbres de haute futaie formaient de véritables forêts: L'intention du navigateur était de relâcher seulement quelques jours; mais, contrairement à ses prévisions, il fut retenu pendant tout un mois à cause des ravages que le scorbut faisait de nouveau parmi ses équipages.

Les matelots attribuaient cette maladie, qu'ils semblaient ignorer, aux viandes salées dont ils faisaient à peu près exclusivement leur nourriture depuis qu'ils étaient partis de; Lisbonne. Malgré ce retard, Vasco da Gama était plus résolu que jamais.
Les Portugais ne pouvaient que conserver un bon souvenir de ce pays, où leur espoir, qui commençait à faiblir, s'était transformé en certitude, grâce aux renseignements que leur avaient donnés les habitants. Avant de partir, ils élevèrent un padrao qu'ils appelèrent Raphaël, en l'honneur du bâtiment de l'escadre qui portait ce nom. Le fleuve reçut celui de Rio dos bons signaes, le fleuve des bons signaux. Il n'a pas conservé cette appellation, et le nom de Zambèze, par lequel les indigènes le désignaient, l'a emporté.
Vasco da Gama reprit enfin la mer le 24 février, et après avoir fait route vers le nord-ouest, il s'en alla jeter l'ancre à une lieue de Mozambique, à l'entrée de la baie d'une petite île, le 2 mars 1498. Dès que les vaisseaux portugais parurent, sept barques ou almadies s'avancèrent pleines de gens et au son d'instruments de musique qui ressemblaient à des hautbois et à des trompettes et que l'on appelait a no fils; ils engagèrent les Portugais à pénétrer dans la baie et leur firent de nombreux signes pour les inviter à descendre à terre. Ces barques accostèrent les vaisseaux, et leurs équipages montèrent à bord. Les Portugais firent bon accueil à leurs visiteurs, et dans le désir de se concilier leur amitié, ils leur offrirent une collation. Au bout de quelques jours, après des relations suivies avec les indigènes,
Vasco da Gama ordonna d'amener les voiles et fit jeter l'ancre.

V

Mozambique, comme toutes les villes de la côte orientale d'Afrique, était au pouvoir des musulmans. Autrefois, le christianisme avait compté de nombreux adeptes dans toute cette région, mais les vexations, les mauvais traitements en avaient sensiblement réduit le nombre. Les quelques chrétiens qui se trouvaient encore à Mozambique étaient désignés sous le nom d'Abyssins, ce qui était la preuve que cette partie de l'Afrique avait dû être évangélisée par des missionnaires venus d'Ethiopie. Les indigènes avaient le teint cuivré et parlaient, nous disent les Portugais, la langue des Maures. Leur costume se composait d'étoffes de lin et de coton de diverses couleurs, plus ou moins ouvragées, suivant leur condition sociale. Tous portaient des turbans avec des lisérés de soie brodés de fils d'or. Ils se livraient pour la plupart au commerce et trafiquaient avec les Maures blancs. En rade se trouvaient quatre navires chargés d'or, d'argent, de clous de girofle, de poivre, de gingembre, de perles et de rubis. Presque tous les habitants de Mozambique professaient l'islamisme; ils étaient gouvernés par un prince' qui portait le nom de sultan.
La ville n'avait alors rien de remarquable. Les maisons, consistaient en cabanes en terre, couvertes de paille.
Les seules constructions en pierre étaient. la mosquée et la demeure du sultan.
Aux environs de la ville, l'on voyait beaucoup de palmiers et l'on trouvait des concombres et des melons..
Les Portugais s'étaient empressés de questionner les indigènes et en avaient obtenu de nombreux renseignements.
On leur avait dit que les riches produits dont les quatre vaisseaux en rade étaient chargés avaient été apportés par les Maures, et qu'en continuant leur voyage ils trouveraient de l'or, des perles fines, des pierres précieuses, des épices, en si grande abondance qu'on les ramassait à pleins paniers. Ils apprirent que, sur la route qui leur restait à parcourir, ils rencontreraient nombre
de villes, le long de la côte, et une île qui possédait de grandes richesses et dont la population était partie musulmane et partie chrétienne. Vasco da Gama et ses compagnons demandèrent naturellement des nouvelles du Prestre Jean. On leur répondit qu'il ne demeurait pas loin, qu'il possédait sur le bord de la mer plusieurs villes dont les habitants étaient de riches marchands qui équipaient de grands navires. L'on ajoutait que le Prestre Jean résidait dans l'intérieur du pays, et que pour se rendre dans sa capitale il fallait y aller à dos de chameau. Tous ces renseignements comblaient de joie les Portugais, qui ne demandaient qu'à achever leur entreprise.
Rondache indienne XIXème
Le sultan de Mozambique était venu à bord à diverses reprises rendre visite à Vasco da Gama, qui l'avait reçu de son mieux et cherché à lui être agréable en lui offrant à titre de présents des chapeaux, des filières de corail, et en lui faisant servir à profusion des figues et des confitures. Le sultan avait fait bon accueil au capitaine du Berrio, Nicolas Coelho, qui était venu le saluer en son palais. Il lui avait même donné le chapelet avec lequel il récitait ses oraisons, et l'avait forcé d'accepter un pot rempli de dattes écrasées, mêlées à une conserve de clous de girofle et de cumin. Les indigènes avaient au début témoigné les plus vives sympathies aux Portugais. Ils supposaient que ces nouveaux venus étaient comme eux des musulmans, des Turcs ou des Maures de Barbarie, puisqu'ils leur demandèrent s'ils venaient de la Turquie. Quand ils apprirent qu'ils étaient des chrétiens, dont ils redoutaient la concurrence commerciale, à la recherche d'une nouvelle route des Indes, ils résolurent leur perte. Pour réussir, ils dissimulèrent; mais ils n'allaient pas tarder à se démasquer.
Les indigènes se proposaient d'attirer les Portugais et leur chef dans quelque embuscade, et de s'emparer par surprise de leurs personnes. Mais Vasco da Gama s'était douté de leurs intentions.
Quoique le sultan lui eût donné les deux pilotes qu'il lui avait demandés, il était défiant, et avec raison. Deux chaloupes à bord desquelles il se trouvait, étant allées faire de l'eau, se virent attaquées par cinq ou six almadies remplies de gens armés d'arcs, de flèches et de rondaches. On leur tira quelques coups de bombarde; en même temps, Paul da Gama, qui était demeuré sur les vaisseaux, se tenant prêt à agir en cas d'événement, ordonna, au bruit de l'artillerie, au Berrio de se mettre en marche, afin de pouvoir porter secours à son frère et à ses compagnons. Il n'en fallait pas davantage pour terrifier les Maures, qui se hâtèrent de gagner le rivage.
Vasco da Gama, pensant qu'il n'était pas prudent de rester dans la baie, où sa petite escadre était exposée à être cernée par les barques indigènes, avait regagné avec ses vaisseaux  où il avait mouillé en arrivant. Les chèvres, les poules et les pigeons que ses gens avaient troqués avec les habitants contre des rasades de boisson jaune firent faire bonne chère à ses équipages fatiguas de la viande salée. Il resta là plusieurs jours, attendant un temps favorable, et aussi les événements. Dans l'intervalle, le sultan de Mozambique était entré en pourparlers avec les Portugais protestant de ses intentions pacifiques, et leur avait envoyé à titre d'ambassadeur un Maure blanc, qui se donnait la qualité de chérif et se disait originaire des environs de la Mecque.
Comme Vasco da Gama n'avait pu faire sa provision d'eau, il écouta les propositions qui lui étaient faites. Sur son ordre, le capitaine Coelho entra dans le port avec plusieurs chaloupes. A peiné était-il débarqué près de l'aiguade, qu'il vit une vingtaine d'indigènes armés de zagaies qui se disposaient à l'attaquer.
Quelques coups de bombarde mirent en fuite les agresseurs, et l'on put faire de l'eau; Deux jours après, un Maure qui paraissait avoir quelque importance venait dire aux Portugais que, s'ils voulaient avoir de l'eau, ils pouvaient aller en chercher, et que s'ils y allaient, ils trouveraient des gens qui les obligeraient à retourner sur leurs pas. C'était une provocation. Vasco da Gama envoya les chaloupes dans la direction du village que ce Maure avait indiqué. Les indigènes
s'y étaient barricadés; les Portugais furent reçus avec des injures et assaillis par une grêle de pierres et de flèches. A cette hostilité J'on répondit par quelques décharges d'artillerie et de mousqueterie qui tuèrent plusieurs des agresseurs. En revenant à leurs vaisseaux, les Portugais capturèrent deux almadies.

Les gens qui montaient l'une d'elles eurent le temps de se sauver en se jetant à la côte; l'équipage de l'autre, qui se composait de quatre nègres, fut fait prisonnier et conduit à bord. Pendant les différents combats que l'on avait eu à livrer, l'un des deux pilotes que le sultan avait donnés était parvenu à s'échapper. Vasco da Gama vit qu'il ne lui servirait à rien de prolonger son séjour à Mozambique, et,' le 29 mars, il ordonnait de mettre à la voile, après avoir envoyé quelques coups de canon à cette plage si peu hospitalière.
L'escadre avait pris la direction de l'est, mais il y avait fort peu de vent; deux jours après son départ, elle avait à peine fait trente lieues. L'on ne pouvait guère se fier au pilote que le sultan de Mozambique avait fourni, et l'on ne tarda pas à avoir des preuves de sa perfidie. L'on avait aperçu quelques îles, qui étaient les

Quérimbas. Elles forment un archipel s'étendant du sud au nord sur un espace de 250 kilomètres. Le pilote voulait donner à entendre que ces îles étaient la terre ferme; son intention était d'y engager les vaisseaux portugais, dans l'espoir qu'ils donne raient sur quelque récif et pourraient y périr. Heureusement l'on se doutait de ses desseins. Pour le punir de son mensonge, Vasco da Gama lui fit donner de la corde si durement que la première de ces Mes, en vue de laquelle cette correction lui fut administrée, reçut le nom d'ilha do açontado, l'île du fustigé  cette dénomination lui est restée. Ainsi corrigé, le pilote promit de conduire l'escadre à Quiloa, qu'il disait être une ville riche, commerçante et habitée en partie par des chrétiens. 

Mais ce qu'il n'ajoutait pas, c'est qu'il espérait que les événements de Mozambique seraient connus à Quiloa, que les Portugais y recevraient un accueil de même nature et que peut-être ils pourraient succomber dans quelque guet-apens. Les vents contraires étant venus contrecarrer ses intentions criminelles il dit à Vasco da Gama qu'il allait le conduire à Mombazes, où il trouverait les mêmes avantages qu'à Quiloa, et que comme cette ville elle avait pour habitants des chrétiens et des musulmans. De plus, il affirmait que les Portugais y seraient très bien reçus.
Cette assertion était fausse.
Vasco da Gama n'attachait que peu de foi à ses dires, mais comme il se voyait sur le point de manquer de vivres, il consentit à aller à Mombazes, et le 7 avril, au soir, il jetait l'ancre en face de cette ville. De nombreux navires entraient dans son port, dont l'entrée était défendue par un château en assez bon état. L'or, y trouvait 'des marchands chrétiens, mais les musulmans les tenaient dans une véritable infériorité, et ils avaient à subir de leur part de nombreuses vexations.
La traite y était en honneur, et Ton y voyait beaucoup d'esclaves, qui pour la plupart étaient des chrétiens. Grâce à ses maisons de pierre, Mombazes avait l'apparence d'une ville européenne.
Elle produisit une impression favorable sur les Portugais, qui la jugèrent comme un séjour délicieux. Aujourd'hui, tel n'est pas l'avis des Européens.
Vasco da Gama, que les trahisons précédentes avaient mis sur la défiance, ne voulait pas entrer dans le port et se tenait au large.
Armeria 1523
Dans la rade, un brigantia monté par un nombreux équipage était venu rejoindre l'escadre, et dans le port tous les navires s'étaient pavoisés comme pour souhaiter la bienvenue aux étrangers. Les Portugais tout d'abord étaient pleins de confiance; ils espéraient pouvoir descendre a terre le lendemain.
Mais leur espoir fut de courte durée. Ils furent bientôt assaillis par les indigènes et ne purent mouiller qu'à huit lieues de Mombazes. Un des prisonniers qu'ils tirent leur donna des indications sur la direction de Mélinde Vasco da Gama mit à la voile immédiatement vers cette ville; le jour même de son départ de Mombazes, et après quelques heures de navigation il y arriva et jeta l'ancre à une demi-lieue du rivage.
Mélinde était alors une belle ville, assise dans une plaine où se trouvait un nois ae palmiers et entourée de jardins et de cultures de mil et de légumes variés. Des maisons grandes, élevées, blanchies à la chaux et percées de nombreuses fenêtres. Son commerce était florissant et sa population considérable. Certains historiens ont été jusqu'à l'évaluer, en exagérant  à 200 000 âmes.
Le souverain de Mélinde était un vieillard fort aimé et fort respecté, à cause de sa bienveillance. Avant de prendre terre, Vasco da Gama lui dépêcha un des Maures qu'il avait fait prisonniers au sortir de Mombazes, pour l'assurer de ses intentions pacifiques et, en même temps, pour lui exprimer le désir qu'il avait d'entrer en rapport avec lui.
Le sultan de Mélinde fut flatté de cette démarche; l'idée de voir son amitié recherchée par des étrangers venus de si loin ne pouvait que satisfaire son orgueil. Il répondit qu'il recevrait les Portugais avec plaisir, et qu'il leur procurerait des pilotes, des provisions et tout ce dont ils pourraient avoir besoin.
Mais, comme l'a dit Camoes, les délices de Mélinde ne pouvaient captiver Vasco da Gama, une vaste mer lui restait a parcourir. Le 24 avril 1498, l'escadre leva l'ancre pour gagner Calicut.


VI

Le trajet de Mélinde à la côte de Malabar est de sept à huit cents lieues. Les Portugais se dirigèrent d'abord vers le nord, sans trop s'éloigner du rivage, et bientôt ils prenaient une nouvelle direction, celle de l'est. En dépit de la saison très défavorable, leur traversée fut heureuse. Quelques jours après leur départ de Mélinde, ils aperçurent l'étoile polaire, qu'ils n'avaient pas vue depuis longtemps, et peu après ils repassèrent la ligne. Comme ils avaient le vent en poupe, leur marche était assez rapide. Le 17 mai, après une navigation de vingt-trois jours, l'escadre découvrit une terre que l'on ne put d'abord reconnaitre, à cause des brouillards qui  résultaient des pluies et des orages. L'on était alors à l'époque de la mousson.
La sonde fut jetée, et l'on constata que l'on trouvait fond à quarante-cinq brasses. L'escadre s'écarta de la côte et le lendemain elle vint de nouveau la chercher. Elle mit près de deux jours à s'en approcher peu à peu. Le pilote reconnut alors que la montagne que l'on voyait était celle qui dominait la ville de Calicut, la cité la plus riche et là plus commerçante de l'Inde à cette époque.
A l'annonce de cette heureuse nouvelle, Vasco da Gama se sentit transporté de joie. Il était arrivé dans l'Inde, et il lui semblait qu'il ne devait plus rencontrer d'obstacles pour achever son expédition.
Le soir même de ce jour, l'escadre s'en alla mouiller non à Calicut, mais à deux lieues plus loin, à un village nommé Capoua (Capocate). On jeta l'ancre à une demi-lieue en mer. La traversée avait duré vingt-six jours. Vasco da Gama était parti le 24 avril de Mélinde, et il touchait au rivage le 19 mai 1498. Il y avait près de onze mois qu'il avait quitté l'Europe.



Le souverain de Calicut, qui portait le titre de zamorin, dominait sur la côte de Malabar. Les Portugais se mirent en rapport  avec lui, mais, grâce aux intrigues des marchands mulsumans, ils n'eurent pas trop à se louer de son accueil. Vasco da Gama dut même employer la force et disperser à coups de canon les nombreuses barques indigènes qui voulaient s'emparer de ses vais seaux. Il ne tarda pas à retourner en Europe pour préparer une seconde expédition avec de nouvelles forces.
Il avait levé l'ancré le 29 août 1498. Contrairement à ses espérances, de nombreux obstacles surgirent devant lui. Des circonstances imprévues l'avaient mis dans l'impossibilité d'annoncer la grande nouvelle de sa découverte au roi Emmanuel. Une effroyable tempête le sépara, aux îles du Cap-Vert, des autres bâtiments de sa flotte, et tandis que Coelho, se persuadant que le vaisseau
amiral était devant lui, allait de l'avant, il se vit lui-même forcé d'atterrir à Tercère, où son jeune frère Paul, miné par la maladie contractée au cours du voyage, dut se faire transporter à l'hôpital.
Vasco da Gama remit le commandement de son navire à un de ses lieutenants, Joao da Sa, et ne quitta Tercère que lorsque son frère eut rendu le dernier soupir. 

Inhumation du corps de Paulo da Gama
 dans le couvent de San Francisco
Alors, l'âme ulcérée, il franchit sur une simple caravelle la distance qui le séparait de sa patrie. Il rentrait le 29 août 1499 à Lisbonne, après une absence de deux ans. De tout son équipage il ne restait que 55 hommes sur 160.
Avant d'entrer dans la ville, le découvreur des Indes voulut s'arrêter dans l'église Notre-Dame. Son entrée dans Lisbonne fut triomphale. La capitale s'illumina. Des feux de joie étaient allumés dans les rues et sur les places. Pendant plusieurs jours ce ne furent que jeux et fêtes. Les Portugais voyaient le but de leurs longs efforts victorieusement atteints, le commerce de l'Orient devenu leur monopole et leur; pays élevé au rang de première puissance maritime de l'Europe.


La route était connue, frayée, et l'on ne se laisserait plus émouvoir par l'annonce de périls imaginaires, le plus fort était fait; les rêves d'or devenaient une réalité que le roi D. Manuel escomptait d'avance, en ajoutant à ses titres celui de « seigneur de la conquête et de la navigation de l'Ethiopie, de l'Arabie, de la Perse et des Indes Quant au marin intrépide qui venait d'assurer au
commerce de sa patrie une nouvelle voie, et qui allait lui procurer une incalculable
moisson de lauriers, il dut attendre deux ans son titre d'amiral des Indes, retard que le roi lui fit oublier, en l'autorisant à joindre à son nom la particule dom, alors si rarement octroyée,
en le gratifiant d'une somme de 2000 écus d'or, et en lui conférant sur le commerce de l'Inde certains privilèges qui ne devaient pas tarder à l'enrichir.
Cette voie, si audacieusement ouverte par Vasco da Gama, fut immédiatement suivie par Alvares Cabral, à qui l'on doit la découverte du Brésil, et Jâo da Nova, qui reconnut Sainte-Hélène. Tous deux eurent à lutter énergiquement contre les Maures, qui comprenaient que le commerce des Indes allait leur échapper. La situation fut bientôt si tendue, que da Gama fut une seconde fois envoyé dans l'Inde, avec mission d'imposer aux Hindous le commerce qu'ils refusaient de faire avec les Portugais, et de créer des forteresses qui fussent non seulement en état de résister aux attaques des mécontents, mais encore de servir de base pour maintenir d'une façon durable la domination du Portugal
sur ces nations qui s'y montraient si résolument réfractaires. A la tête d'une flotte de dix vaisseaux, da Gama agit avec une vigueur et une décision qu'on a taxées de cruauté, mais qui lui semblaient nécessaires pour briser par la terreur toute résistance.

Bombardement de calicut
Les habitants de Calicut, au mépris des traités, avaient massacré les Portugais, surpris dans leur factorerie. Vasco da Gama résolut d'en tirer vengeance, et pendant trois jours consuma la ville, qu'il détruisit en grande partie. Pensant que la leçon serait salutaire, il visita ensuite Cochin, dont le souverain s'était montré fidèle, et reprit la route d'Europe après avoir dispersé une nouvelle flotte malabare.
Il ne semble pas que les services rendus par le héros aient été récompensés comme ils le méritaient. On lui accorda le titre de comte de Vidigueira, mais on le laissa lui-même pendant vingt et un ans dans l'oubli. 

Ce n'est qu'en 1524 qu'il fut nommé vice-roi de l'Inde, en même temps que le roi D. Jean III le chargeait d'une nouvelle mission dans les régions conquises qu'il s'agissait maintenant d'organiser. Parti de Lisbonne le 9 avril, Vasco da Gama mourut trois mois et vingt jours après avoir atteint le siège de son gouvernement.
Inhumé à Cochin, son corps fut ramené en Europe en 1538 et déposé dans la petite église de Nossa Senhora das Reliquias da Vidigueira. Après tant de vicissitudes et de voyages.
Vasco da Gama le « grand argonaute », comme disait l'inscription de son tombeau, ne reposa pas en paix; son cercueil fut violé en 1840. 

Il se trouve aujourd'hui avec celui de Camoes dans l'église des Hiéronymites à Belém.


Audiance du Samorin de Calicut

1 commentaire:

Juan Miñana a dit…

Bonsoir, je voudrais vous demander, s'il vous plaît, où avez-vous obtenu l'image des deux navires en dessous du Rondache indienne XIXème? C'est très important pour moi parce que j'écris un livre sur les images des billets de banque espagnols et que ces deux navires apparaissent sur le billet de 400 escudos de 1871 et je l'apprécierais beaucoup, mon email est jumami77@hotmail.com
Je vous remercie d'avance