Extrait du livre: Lisbonne et les Portugais, par Ollivier de La Blairie. 1820
Jamais je n'oublierai le vif sentiment de surprise
et de plaisir dont je fus frappé à l'aspect de Lisbonne,
en l'apercevant du sommet d'une montagne
qui s'élève entre cette ville et Setubal où je
venais de débarquer.
Non, jamais plus beau spectacle ne s'offrit à la
vue d'un mortel: je m'arrêtai transporté d'admiration.
C'était vers la mi-mars 1805 : la nature présentait
l'aspect du mois de mai en France; la plus
douce température régnait dans l'atmosphère. Je
voyais Lisbonne dans le lointain , et le Tage plus
rapproché roulait ses eaux sinueuses vers cette
cité.
Au-delà, ce fleuve se perdait dans l'immensité
de l'océan. A mes pieds s'élevaient des bois
d'orangers dont chaque arbre formait un dôme
impénétrable aux rayons du soleil, et les fleurs dont ils étaient surchargés laissaient à peine distinguer
leur vert feuillage; on eut dit des espèces de temps
jaunes disposées pour un camp.
Ces plantations
étaient entrecoupées de vignes et de champs enclos
de haies d'aloës, dont les tiges hautes de vingt
à trente pieds , et terminées en boules couronnées
de fleurs blanches, étaient un objet curieux pour
celui qui ne connaissait que les aloës des serres de
nos climats septentrionaux.
Le palmier, le mûrier,
le cyprès, des haies de grenadiers , des bouquets
de lauriers, de myrtes et de jasmins embellissaient
ce nouvel Eden et embaumaient l'air de leurs doux
parfums.
Salut, charmante Lusitanie, m'écriais-je dans
mon enthousiasme, terre de promissions patrie
de Camoes; salut, fleuve célèbre, bientôt j'étendrai
mes membres fatigués dans ton onde salutaire,
porte ton or dans les plus profonds abîmes de la mer; ensevelis-y ce vil -métal, source d'esclavage,
de crimes et de misère; ces fruits rafraichissants,
ces champs fertiles, ces vignes fécondes, ces fleurs
embaumantes, voilà les vrais trésors de la nature,
et les seuls que pour leur bonheur les hommes
eussent jamais dû connaître. Salut, cité fameuse
par tes malheurs et par ces marins intrépides, ces
mortels audacieux sortis de ton sein pour aller à
la recherche de nouveaux mondes.
La nature ingrate
et marâtre fait l'homme injuste, égoiste et
méchant; sous un climat si doux, si voluptueux;
sur un sol si productif et qui ne laisse rien à désirer, dans ce jardin des Hespérides que Cérès,
Flore et Bacchus ont comblé de tous leurs dons,
les hommes doivent être justes', humains et bons.
Fixons y donc notre séjour, et secouons le joug
des passions funestes à notre repos ; abjurons pour
jamais les folies du jeune âge, et ne cherchons plus
le bonheur que dans le sein de la vertu.
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