Invincible Armada (port de Lisbonne 1588) |
Mais à peine eut-il doublé le cap du Finistère, qu'il survint deux fortes tempêtes qui semblèrent prédire le sort qui l'attendait. La flotte essuya sur les côtes de la Hollande une troisième tempête, plus fatale encore que les premières. Les navires dispersés, n'ayant pas un port ami où ils pussent se réfugier, furent attaqués par les escadres anglaises et hollandaises qui, malgré leur infériorité, surent profiter du désordre que venait de répandre parmi les Espagnols la fureur des éléments.
Les soldats de Philippe luttèrent contre eux et contre leurs ennemis avec une égale intrépidité.
Mais tous leurs efforts ne purent les préserver de la destruction, presque entière, des vaisseaux et des hommes ; ceux qui restèrent furent obligés de se retirer vers le nord de l'Ecosse, où ils souffrirent de pareilles infortunes, de la faim, des maladies et des vents.
Le petit nombre de bâtiments qui échappa à l'assemblage de tant de malheurs rentra dans les ports de l'Espagne ; leur état était si déplorable qu'on ne put les voir sans consternation. » Les Espagnols avaient opéré néanmoins des prodiges de valeur et s'étaient couverts de gloire en perdant la bataille. Leur courage tenait de la fureur. On raconte qu'un officier qui proposait à la dernière extrémité de se rendre, reçut d'un de ses camarades un coup de poignard en pleine poitrine au moment où le vaisseau coulait à fond.
Mendez, envoyé par le duc de Médina, se présenta devant le roi, et d'une voix altérée, le genou en terre, s'acquitta de la terrible mission dont il était chargé. Aussitôt qu'il eut cessé de parler, Philippe, calme et digne, jeta sur ceux qui l'entouraient un regard plein de majesté, et il prononça ces paroles devenues si justement célèbres : «J'avais envoyé mon armée pour punir l'orgueil des Anglais, et non pour combattre la fureur des vents et la violence d'une mer irritée.
Je rends grâces au ciel de ce qu'il m'est resté des vaisseaux après une si furieuse tempête. » La perte était immense, et la nation était si touchée de cette infortune, que le roi jugea nécessaire d'abréger par un édit la durée du deuil. Son premier soin fut de procurer d'abondants secours aux soldats blessés ou malades que l'on recueillait dans tous les ports. Il écrivit 'lui-même, de sa royale main, au duc de Médina, afin que l'on ne crût point qu'il s'en prenait à ses lieutenants d'une catastrophe causée par la violence des flots [1588]. Les Anglais firent plusieurs tentatives sur les côtes du Portugal et contre Lisbonne, qui ne furent pas heureuses; cependant sept ans après, étant revenus contre Cadix, avec des forces considérables, ils pillèrent cette ville et retournèrent en Angleterre chargés de riches dépouilles [1596].
Une seconde flotte de Philippe éprouva le sort affreux de l'Invincible ; et malgré des dépenses énormes, auxquelles suffisait à peine tout l'or des Indes, les expéditions navales de l'Espagne ne permirent jamais à cette nation de tirer vengeance des insultes de l'Angleterre et du bonheur insolent de la superbe Elisabeth.
Après différentes guerres, aux succès peu décisifs, Philippe sentit le besoin de la paix avec la France, et il la conclut en 1598 ; Henri IV régnait, et le roi d'Espagne, chargé d'ans et d'infirmités, ne se sentait plus de taille à lutter avec ce jeune vainqueur. Une paix générale, si longtemps désirée, fut donc signée à Venins, entre les couronnes de France et d'Espagne, et le duc de Savoie, auquel Henri IV dicta ses conditions. Au printemps de la même année [1598], Philippe renonça à la souveraineté des Pays-Bas, qu'il transporta à l'infante Isabelle-Claire-Eugénie, sa fille, en faveur du mariage de cette princesse avec l'archiduc Albert, son cousin.
Altenheim, Gabrielle Soumet, dame Beuvain d'. Récits de l'histoire d'Espagne, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours, suivis d'un tableau chronologique des dynasties collatérales de l'Espagne, par Mme d'Altenheym-Gabrielle Soumet. 1865.
Combat naval entre la flotte anglaise et l’Invincible Armada en 1588 |
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