Ceux qui restèrent en Lusitanie enduraient avec impatience le joug romain et entretinrent dans leur cœur la flamme du patriotisme et une haine inassouvie contre leurs odieux vainqueurs.
Ils étaient vaincus, mais non soumis. Aussi lorsqu'en l'année 82 avant J.-C., Sertorius, qui avait fui Rome devant le triomphe de Sylla et qui était poursuivi par ce dernier, songea à porter la guerre contre sa patrie, l'appelèrent-ils à leur aide. Sertorius se mit à leur tête, vainquit et chassa de Lusitanie les généraux qui lui furent opposés, et s'alliant à Mithridate, qui faisait aux maîtres du monde une guerre acharnée en Orient, il fit trembler Rome.
Métellus et le grand Pompée lui-même furent battus. Sertorius avait organisé le pays sur le modèle de la République romaine, créé un Sénat. Une foule de Romains de distinction proscrits par Sylla étaient venus le rejoindre; les Lusitaniens lui obéissaient aveuglément, tellement son prestige et son ascendant étaient grands, l'Espagne allait bientôt lui appartenir : c'était une puissance redoutable qui s'élevait contre Rome.
Rome eut recours à la trahison qui lui avait réussi contre Yiriathe ; elle soudoya Perpenna, un des Romains qui avaient aidé Sertorius jusqu'alors dans sa lutte, et elle fit assassiner un adversaire aussi dangereux. La Lusitanie retomba plus lourdement sous le joug. D'ailleurs Sertorius n'avait jamais songé qu'à édifier sa propre fortune en servant ses rancunes personnelles, et nullement à restaurer l'indépendance nationale des Lusitaniens. Depuis, Rome assura sa domination par une assimilation graduelle de la Lusitanie qui lui enleva son organisation, ses lois, ses coutumes, sa langue, sa justice. La Lusitanie forma une des cinq grandes divisions de l'Hispanie romaine et fut elle-même divisée en trois circonscriptions. Peu à peu la Lusitanie fut assouplie aux mœurs et à la civilisation romaine. Sous Auguste, la Lusitanie avait bien en réalité cessé d'exister et une insurrection ayant pour but un affranchissement n'était plus à craindre.
La province devint florissante, des villes populeuses s'y élevèrent même. Aujourd'hui, il est peu de localités quelque peu importantes qui n'aient gardé des restes, même parfois bien conservés, des travaux qu'édifièrent les Romains : aqueducs, ponts, voies, temples et amphithéâtres. Si les Romains ont été de grands conquérants, ils ont su toujours conserver leurs conquêtes. Ils écrasaient la résistance par le fer et le feu, ils la prévenaient ensuite par la douceur, la persuasion, une organisation habile et une assimilation qui faisaient entrer les peuples conquis dans le grand corps romain : les vaincus devenaient d'abord des alliés pour finir par être eux-mêmes des citoyens romains associés à la gloire et à la grandeur romaine. Pendant cinq siècles et demi, leur domination ne fut point troublée en Lusitanie ; mais elle cessa avec l'invasion des barbares, qui devaient bientôt se partager l'immense empire créé par la valeur et la politique des Romains.
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