Afonso d'Albuquerque prend Ormuz sur la côte méridionale de l'Arabie. Cette conquête a donné le contrôle portugais du commerce entre l'Inde et l'Europe passant par le Golfe Persique.
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Forteresse d'Ormuz XVII siècle |
Alphonse d'Albuquerque se résignait avec peine à
croiser dans les eaux de la mer Rouge, et impatient
de se signaler par quelque entreprise utile à son
pays, il avait conçu le projet de s'emparer d'Ormus.
Aussi dès qu'il se vit hors de la dépendance de Tristan
d'Acugna, il songea à mettre à exécution cet
audacieux projet.
Le royaume d'Ormus était à cette époque un des
États les plus puissants de l'Arabie , et son importance
était due particulièrement à la position de sa
capitale dans l'île de Gerun, à l'entrée du golfe Persique.
Cette île n'a que cinq à six lieues de circuit;
mais elle possède deux ports magnifiques et si avantageusement
situés qu'on les dirait faits exprès pour
servir d'entrepôt au commerce de tout l'Orient.
On
voyait en effet afluer à Ormus toutes les richesses
de l'Europe , de l'Asie et de l'Afrique, et les habitants,
presque tous mahométans, étaient connus par
leur amour du luxe et des plaisirs, ce qui ne les
empêchait pas d'être bons soldats quand le besoin.
l'exigeait.
N'ayant avec lui que sept bâtiments et près de
cinq cents Portugais, Albuquerque cingle vers le cap de Rosalgate. Il se présente devant Calajate, et
cette ville lui ouvre ses portes. Curiate , plus fière réprouve le sort des armes ; la confiance qu'elle a dans
ses propres forces cause sa ruine. Mascate pourrait,
résister ; elle n'en plie pas moins sous le joug par
la prudence de son gouverneur ; mais la nuit suivante deux mille Arabes entrent dans la ville et la
soulèvent contre les Portugais.
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Forte de Soar (Sohar) - Oman |
Ils sont battus par
Albuquerque, et attirent sur les habitants tous les
maux dont ils avaient voulu les défendre. Soar et Orphasan,
quoique fortitiés, n'ont pas le courage de
se défendre. Les habitants de cette dernière ville
s'enfuient dans les bois, et les Portugais, ne trouvant
ni soumission ni résistance, la pillent et la réduisent
en cendres.
Ainsi précédé par la terreur, Albuquerque vint
enfin mouiller en face d'Ormus, le 25 septembre
1507. Après avoir salué la ville et le palais du
roi d'une décharge générale de son artillerie, il envoya
un parlementaire annoncer au prince le motif
de sa visite.
Ce n'était pas, disait-il, pour porter la
guerre qu'il venait dans ce pays, mais pour lui offrir
la paix ; qu'à la vérité on ne pouvait obtenir cette
paix autrement qu'en se soumettant au roi de Portugal
, mais que ce roi était si grand et si puissant
qu'on était plus heureux de lui obéir que de commander
des empires, et que si les habitants d'Ormus
étaient assez aveugles pour mépriser ses offres,
ils avaient tout à craindre de ses armes.
Zeifadin qui occupait alors le trône ; mais trop jeune
encore pour gouverner, il était sous la tutelle d'un
eunuque nommé Atar, homme habile et ambitieux
qui conduisait toutes les affaires. Celui-ci trouva
étrange la proposition des Portugais ; mais il n'ignorait
pas les grandes choses que ce peuple avait accomplies
depuis peu en Afrique et aux Indes; et,
d'un autre côté, il craignait que les mécontents du
royaume ne profitassent de ces circonstances pour
renverser le gouvernement. Il prit donc le parti de
dissimuler; et, sans rien conclure, il renvoya le
parlementaire avec une lettre et de magnifiques présents pour le général portugais. Albuquerque prit
la lettre et refusa les présents, disant qu'il n'en accepterait
pas avant de savoir s'il devait traiter le roi
d'Ormus comme son ami ou comme son ennemi.
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Ormus ou Ormuz 16ème siècle
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Quelques jours après, Atar, ayant rassemblé ses
forces, envoie une seconde lettre pleine d'insultes.
Albuquerque, qui s'y attendait, fait aussitôt appareiller,
et rangeant ses batteries à l'entrée de la
rade, il commence le feu. L'ennemi, distribué dans
un grand nombre de petits bâtiments qu'Atar commandait
en personne, s'avance hardiment, caché
par la fumée du canon, lance une nuée de flèches
et court à l'abordage. Les Portugais sont obligés de
se défendre corps à corps, à coups de piques , de
haches et de leviers ; cependant leur artillerie continue
à foudroyer les assaillants , et Atar est contraint
de se retirer.
Délivré de l'importunité de ces petites embarcations
, Albuquerque charge deux gros vaisseaux que
défendaient cinq à six cents hommes, et les coule
à fond. Ses capitaines imitent son exemple en s'attachant
à divers autres bâtiments ; et bientôt la mer
est couverte de débris et ses flots rougis par le sang.
Quand les ennemis étaient las de résister, ils se
jetaient à la nage ; les Portugais, descendant dans
les chaloupes , les assommaient comme un vil bétail
ou les forçaient à se noyer.
Le combat avait duré huit heures. Albuquerque ,
ne voyant plus personne qui osât lui résister, fit
mettre le feu à tous les bâtiments abandonnés, et la
ville eût subi le même sort si, ayant égard au petit
nombre et à la lassitude de ses soldats, il n'eût fait
sonner la retraite. Entraînés par le vent de terre, les
vaisseaux embrasés allèrent se consumer sur les
côtes de la Caramanie et de l'Arabie , où ils répandirent
l'effroi et la consternation. La présomption d'Atar s'était changée en un profond
découragement.
Il se dépêcha d'envoyer un
parlementaire au général portugais pour lui représenter
le déplorable état où se trouvait la ville d'Ormus
et implorer sa merci. Albuquerque exigea que
Zeil'adin se reconnût vassal de la couronne de Portugal
et donnât dans la ville un emplacement pour y
construire une forteresse, s'engageant de son côté,
au nom d'Emmanuel, à prendre le roi d'Ormus sous
sa protection, et à le défendre contre tous ses ennemis.
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Afonso d'Albuquerque |
Ces conditions ayant été acceptées, on les grava
sur des lames d'or, et on les publia ensuite avec
toutes les démonstrations de joie que pouvait permettre
le deuil où les habitants étaient plongés.
L'emplacement de la citadelle fut marqué sur la
jetée qui sépare les deux ports, et aussitôt l'on
commença les travaux, auxquels tout le monde prit
part depuis le général jusqu'au dernier matelot. Mais
toute la prudence d'Albuquerque ne put parvenir à
cacher le petit nombre de ses gens. Atar s'en aperçut,
et confus d'avoir cédé à une poignée d'hommes,
il forma le projet de réparer sa faute , sinon par la
force ouverte, du moins par la ruse et la trahison. Il commença par débaucher à force d'argent quelques
ouvriers portugais qu'il sut employer utilement
à ses desseins. Albuquerque les réclama, il ne reçut
que des réponses évasives.
D'un autre côté, Atar
avait soin qu'il manquât toujours quelque chose à
ceux qui travaillaient à la citadelle , de sorte que
l'ouvrage n'avançait que lentement. Cependant Albuquerque
, dont le caractère était dur et sévère, voulait
que les choses marchassent couramment, et sa
rigidité déplut à un grand nombre d'officiers et de
soldats qui auraient mieux aimé croiser que d'être
employés comme de simples manoeuvres à un travail
sans profit.
Le général ne dit rien d'abord ; mais les mutins
eurent l'audace de lui présenter une requête, dans
laquelle ils le sommèrent d'abandonner le golfe Arabique
et de reprendre le chemin de la mer Rouge,
suivant les ordres qu'il avait reçus de la cour. Albuquerque
prit le papier avec un sourire moqueur, et
pour témoigner le cas qu'il en faisait, il l'envoya
mettre sur-le-champ dans les fondements d'une des
portes de la citadelle, qu'on appela depuis, par dérision
, la porte de la Requête.
Dans le même temps arriva l'ambassade que le roi
de Perse avait coutume d'envoyer tous les ans pour
prendre le tribut que lui payait la ville d'Ormus.

Albuquerque, à qui les ministres de Zeifadin vinrent
aussitôt soumettre ce cas embarrassant, fit apporter
un bassin plein de boulets et de fers de lances , et
dit aux ministres avec une fierté pleine d'assurance
et de noblesse : « Allez porter cela aux ambassadeurs
du roi de Perse, et dites-leur que c'est le seul
tribut que puissent lui payer les vassaux du roi
mon-maître : si on le refuse, je saurai le faire accepter.»
Cette fermete aigrit encore davantage les esprits
des Portugais, et tout faisait craindre de leur part une
révolte ouverte. Albuquerque, qui savait qu'Atar
songeait à recommencer les hostilités, convoqua
ses officiers, et après leur avoir représenté avec
énergie les risques où ils s'étaient jetés par leur
propre faute, il leur peignit avec des couleurs si
vives les devoirs que leur imposaient l'amour du
pays et leur propre sûreté, qu'il les fit tous rentrer
dans l'obéissance.
Il ordonna ensuite à tous les Portugais qui se
trouvaient dans la ville, ou occupés aux travaux de
la citadelle/de se rembarquer, et ils obéirent sur le-champ. Atar, qui avait espéré les prendre au dépourvu
, fit sonner l'alarme ; mais il n'était plus
temps : il fut obligé de se contenter de brûler un
vaisseau que les Portugais avaient tiré sur les chantiers
pour le réparer.
Albuquerque canonna la ville pendant huit jours.
Voyant que cela ne bâtait pas beaucoup le résultat,
il prit le parti d'affamer la place, en faisant faire à ses
vaisseaux une ronde continuelle autour de l'île et en
capturant tous les bâtiments qui cherchaient à y
porter des vivres ; car l'île n'est qu'un rocher nu et
stérile. Il s'empara en outre de quelques puits, les
seuls où les habitants pouvaient faire leur provision
d'eau; mais comme il s'obstinait à placer une pièce
d'artillerie sur une éminence voisine, il fut blessé
et contraint de se rembarquer, laissant à ses capitaines,
qui avaient désapprouvé l'entreprise, la joie
maligne d'avoir eu raison dans cette occasion.
Peu habitués à ressentir les angoisses de la disette,
les habitants d'Ormus étaient sur le point de se soulever
contre Atar, qui souvent se voyait obligé de
repousser à main armée la populace qui venait lui demander du pain ; et Albuquerque se flattait déjà
d'être arrivé au but qu'il désirait, quand trois de ses
capitales l'abandonnèrent honteusement, et firent
voile pour l'Inde, ou ils le chargèrent auprès du
vice-roi des plus noires calomnies.
Cette trahison le piqua au vif. Il n'en persista pas
moins dans le dessein de forcer Ormus à se livrer à
discrétion. Il envoya à Atar les cadavres de deux
princes voisins qui, voulant pénétrer dans l'île,
avaient été tués ; et lui fit dire qu'il enverrait dans
le même état tous ceux qui tenteraient de lui porter
secours. A la fin cependant, son courroux s'étant
apaisé, il reconnut l'impossibilité où il était réduit
de rien entreprendre de décisif, et il partit pour Socotora,
où il arriva sur la fin de janvier 1508.
Le Roi du Portugal en 1505 avait résolu de contrecarrer le commerce Musulman à l'océan Indien en capturant Aden, bloquer le commerce par Alexandrie et ainsi contrôler le commerce avec la Chine.
Une flotte sous le commandement de Tristão da Cunha a été envoyée pour capturer le fort Musulman sur Socotra et contrôler l'entrée de la Mer Rouge.
Méry, Léopold. Emmanuel, ou la Domination portugaise dans les Indes Orientales au XVIe siècle, par Léopold Méry. 2e édition. 1854.
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