Union ibérique 1580-1640

Ferdinand Alvare de Tolède duc d'Albe
Ferdinand Alvare de Tolède duc d'Albe
Le cardinal Henri, de la famille d'Avis, avait succédé à Sébastien, qui n'avait pas laissé d'héritier direct. Il régna deux ans. Pendant ce temps, le roi Philippe II d'Espagne intriguait auprès du clergé et de la noblesse. Aussi, à la mort du cardinal, les Cortès, rassemblées à Thomar, le proclamèrent à l'unanimité roi de Portugal. C'en était fait de l'indépendance et de la grandeur du pays. Le peuple et une fraction de la noblesse voulurent résister ; l'armée qui fut réunie pour défendre l'indépendance fut écrasée à Alcantara par le duc d'Albe. Lisbonne fut prise par le vainqueur et mise pendant trois jours au pillage. En 1581, Philippe II avait été proclamé roi de Portugal sous le nom de Philippe Ier ; en 1583, le Portugal était entièrement soumis et toute résistance vaincue.

L'Espagne héritait des immenses possessions portugaises. Elle devait bientôt les perdre en grande partie.
La domination espagnole fut insupportable au Portugal. Philippe, qui voulut être le continuateur de Charles-Quint, n'avait point le génie de son père ; dura lui-même comme aux autres, opiniâtre, travailleur infatigable, ce prince fut un illuminé qui ne recula devant aucun moyen pour faire
triompher ses idées ; il personnifia en lui-même la sainte inquisition, qui n'eut jamais autant de puissance que sous son règne et imprima la terreur en Espagne et dans toutes les colonies espagnoles.

Felipe II de España
Felipe II de España
La lueur des bûchers allumés de toutes parts pour combattre l'hérésie éclaira tristement les splendeurs de ce règne, qui vit le commencement de la décadence rapide de l'empire de Charles- Quint. On a dit justement de Philippe II qu'il fut le mauvais génie de l'Espagne ; il fut aussi funeste au Portugal qu'à l'Espagne. Les vice-rois qui gouvernèrent l'ancien royaume ne firent que l'opprimer; ils le traitèrent en pays conquis. Ils soulevèrent bientôt contre les Espagnols l'animosité de toutes les classes en Portugal, où l'on n'attendit plus que l'occasion pour secouer un joug devenu intolérable. L'occasion se présenta en 1640, sous le ministère du puissant duc d'Olivares ; la mesure était comble ; la haine des Portugais contre leurs maîtres débordait. L'Espagne affectait de traiter son vassal avec dédain et mépris : le vassal n'était pas à dédaigner, il le fit bien voir lorsque, le 1er décembre 1640, la conjuration, préparée depuis quelque temps déjà, et qui avait pour chef Jean Pinto Ribeiro, éclata. Le Portugal avait un roi tout désigné dans le duc de Bragance, héritier naturel de la couronne. La révolte fut générale dans tout le royaume sur le signal parti de Lisbonne.

Le vice-roi Vasconcellos fut tué et les Espagnols chassés. Contre le soulèvement de tout un peuple, l'Espagne fut impuissante. Le duc de Bragance fut proclamé roi sous le nom de Jean IV.

Le duc d'Olivares, ministre de Philippe IV, se figurait qu'il aurait facilement raison de ce petit peuple insurgé contre sa tyrannie, et que tout rentrerait bientôt dans l'ordre au premier régiment qui serait envoyé. Il annonçait d'un air dégagé, à son maître, que cette révolte lui faisait gagner le duché de Bragance, qui serait confisqué au profit de la couronne d'Espagne.

Montijo (1644)

Les Espagnols furent battus à Montijo (1644) et après les batailles d'Estremos (1663) et de Villa-Viciosa (1665), qui leur furent défavorables, ils renoncèrent pour toujours à reconquérir le royaume qu'ils avaient perdu par leur faute.










Quand on examine la situation respective des deux pays, on s'aperçoit bien vite que l'Espagne a plus besoin du Portugal que le Portugal n'a besoin de l'Espagne.
Le Portugal est bien plus fertile; son territoire ne renferme point d'immenses plaines arides et incultes comme celles qu'on rencontre en Espagne.
Il possède l'embouchure des principaux fleuves espagnols, qui même ne commencent à être navigables que sur son territoire. Il peut se suffire. L'union profiterait donc plus à l'Espagne qu'à lui-même, et peut-être ferait-il un marché de dupe en y consentant.
L'Espagne a été troublée par de continuelles luttes intestines et qui pourraient se renouveler encore. En Espagne.
Les frontières entre les deux pays sont idéales pour ainsi dire; elles ne sont marquées, sur un parcours de près de 800 kilomètres, par aucun obstacle sérieux; en quelques endroits le cours des fleuves forme la limite, mais en d'autres, et ce sont les plus nombreux, il n'y a rien. Aussi la contrebande se fait-elle entre les deux pays sur une grande échelle, sans qu'il y ait possibilité de l'empêcher, et l'on peut dire que la douane coûte plus cher au Portugal qu'elle ne lui rapporte. L'association économique des deux pays-est donc chose possible, réalisable.

Caricature contre les Espagnols:
 Un homme en pied tenant à la main une trompette.
On lit sur la draperie de la trompette
La mer fait sa supériorité sur l'Espagne; il tient déjà la meilleure partie de la plupart des fleuves espagnols. Voilà ce qui fait qu'une union douanière avec sa rivale séculaire ne pourra un jour que lui profiter; ce jour-là les hommes d'Etat portugais devront la désirer et la faciliter, et vaincre les répugnances de la nation.
Mais une union d'une autre nature n'est pas possible. Les frontières du Portugal, pour n'avoir pas été tracées par la nature, sont plus solides que les montagnes et les fleuves; elles existent dans le coeur de tout patriote portugais, et le peuple se lèverait tout entier aujourd'hui pour les défendre, comme en 1640, ou comme au commencement de ce siècle. On ne dira jamais du Portugal comme on a dit de la Pologne : finis Lusitanien.
L'existence séparée du Portugal peut susciter des regrets dans le coeur des Espagnols. Ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux de cette scission de la Péninsule. Ils n'ont jamais été assez puissants pour conquérir le Portugal quand cette conquête eût pu amener graduellement l'assimilation, et, quand le Portugal se donna à eux, ils ne surent pas se l'attacher. Ils ont plus besoin du Portugal que le Portugal n'a besoin d'eux. Que donneraient-ils au Portugal en compensation de la perte de son indépendance?
Lui donneraient-ils un gouvernement plus libre, une paix plus profonde et une prospérité plus assurée? L'union ibérique, telle que la rêvent encore quelques utopistes, est une chimère, car elle est une impossibilité.


Suite; Les Anglais et les Hollandais et le dépessage de l'empire portugais

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