Marquis de Pombal - Sebastião José de Carvalho e Melo (1699-1782)

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Marquis de Pombal (1699-1782)
S'il est vrai que les grands hommes fassent la force et la gloire d'une nation, il est juste de dire que Sébastien de Carvalho, marquis de Pombal, doit figurer au premier rang dans la liste de ces illustres influences individuelles qui ont dominé, renouvelé, fondé ou soutenu les états. Armé d'un pouvoir immense qu'il devait à la confiance absolue de son maître, il marcha, en brisant tous les obstacles, à son but, qui était la régénération de la vieille Espagne; et médecin sans pitié de cette monarchie si malade, il toucha trop de blessures irritables, et cicatrisa trop de plaies invétérées, pour ne pas susciter des cris de douleur et des complots de vengeance. Aussi, peu de grands ministres ont été plus diversement jugés. Écoutez les uns, il n'exerça son vaste pouvoir que dans des limites tracées par l'amour le plus pur du bien public; et, s'il fut l'inexorable destructeur des abus, s'il sacrifia des particuliers et des corporations entières, ce fut au profit des vues les plus équitables ou des desseins les plus généreux: mais écoutez les autres, jamais scélérat puissant ne couvrit des ombres du silence, commandé par la terreur, plus de crimes, plus de criants excès, produits d'une ambition effrénée et d'un despotisme jaloux.
Toutefois, pour les bons esprits, l'hésitation ne saurait être longue entre deux portraits si opposés.Le marquis de Pombal fut l'ennemi des jésuites; il fut l'Hercule qui terrassa cette hydre aux cent têtes; car, non content de les chasser du Portugal et de les proscrire des pays de la domination portugaise, il eut encore le crédit de provoquer leur expulsion de tous les états de l'Europe. De là ce débordement de haine et de calomnie qui semblait avoir submergé sa mémoire. Les jésuites ont toujours excellé à détruire la réputation de leurs adversaires. Mais un grand homme d'état est le sujet de controverses trop durables et trop sérieuses pour que l'erreur puisse être éternelle sur son compte, et quand la postérité s'est une fois saisie de lui, la vérité se montre.
La calomnie est comme le poison, qui ne tue que les faibles: les tempérament extraordinaires résistent à tout.
« En prenant les rênes de l'empire, dit l'auteur d'un livre destiné à l'éclatante justification du marquis de Pombal, le nouveau ministre traite avec toutes les cours; il négocie avec tous les cabinets; il fait déjà sentir aux rois d'Europe que le Portugal va redevenir puissance, que les temps des grandes fautes sont passés.
Il rétablit la discipline militaire, que les règnes précédens ont laissé affaiblir. Bientôt se montre une bonne armée sur les débris du vieil état militaire du royaume.
Après avoir établi le gouvernement politique, il passe à l'état économique. La nation manque de subsistance, il encourage l'agriculture; il change les deux tiers des vignes en champs, et le Portugal a du pain avec du vin. Après avoir pourvu à l'être physique, il porte ses regards sur l'homme moral et s'efforce de l'arracher aux noeuds d'une tyrannie sacrée, d'une abrutissante superstition. Il proscrit les auto-da-fé; il éteint des bûchers sanguinaires et repousse l'inquisition dans les plus étroites limites d'une juridiction purement de discipline ecclésiastique.
Il éteint la haine existante entre les vieux et nouveaux chrétiens; il abroge des lois inutiles et en crée de nécessaires; il diminue le pouvoir des grands; il rétablit la subordination; il règle la police intérieure; il augmente les finances, en prévenant la sortie de l'or; il veille sur les arts; il vivifie le commerce; il ajoute de nouvelles branches à l'industrie nationale; il établit un système manufacturier étendu.
De l'Europe, il porte ses vues sur le Nouveau-Monde: il encourage la navigation, il augmente les denrées du Brésil; il règle et réforme l'administration déprédatrice de cette riche colonie.
Lisbonne est engloutie par un tremblement de terre; il la retire de l'abîme où ce phénomène l'a plongée. Il rétablit l'ordre au milieu du trouble, et de la confusion; il redonne la vie à tous ces débris, d'une société- physiquement rompue et moralement décomposée. Des bandes de malfaiteurs et de brigands sortaient de la; terre comme les flammes, comme les ondes; sa main, les atteint et les punit. Il bâtit une ville superbe sur les décombres de Lisbonne perdue.
Il arrête la sédition de la ville de Porto et punit les coupables. Il découvre la conjuration contre le roi; il établit un tribunal pour juger les criminels; il ne laisse échapper  aucun,de ceux qui ont eu part, au crime de lèse-majesté.
Il bannit les jésuites du Portugal, et bientôt de l'Europe entière ; il ose ce que les plus grands potentats n'ont pas osé, il les accuse au tribunal des rois, et gagne contre eux un grand procès.
Il s'oppose aux desseins et aux vues de l'Espagne ; il lui déclare la guerre, fait un traité avec l'Angleterre, unit sa puissance à la sienne, répare les places du  royaume, met les principales provinces en sûreté, tient tête à l'ennemi, casse le régiment royal étranger qui s'est rendu coupable de malversation, dégrade "tous les officiers et fait mourir le  colonel. Il crée de nouveaux règlements de commerce; diminue le nombre des prêtres et des moines; fait restituer les biens usurpés sur la couronne; pose des limites au pouvoir de Rome; règle la juridiction du nonce apostolique; réforme l'université de Coimbra; établit des études dans toutes les villes du royaume.
Il fait construire un canal pour Faciliter la communication des provinces; établit des foires; répare les affaires de l'Inde; supprime les tribunaux inutiles à Goa; protège les débiteurs insolvables; déclare le commerce  du tabac libre; fonde un académie de commerce; traite de la paix avec le roi de Maroc, pour rendre libre la navigation d'Afrique.
Tels sont, en aperçu rapide, les travaux de Pombal, en moins de vingt ans. Il serait difficile de trouver, dans l'histoire des ministres fameux, un homme qui ait frappé tant de grands coups en si peu de temps; mais de tous les actes de cette administration si fière et si vigoureuse, l'expulsion des jésuites est celui qui a le plus contribué à populariser son nom, parce que ses conséquences s'étendirent à l'Europe entière.




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