Lisbonne au 19e siècle

Lisbonne, capitale du Portugal, s'élève à l'endroit où, après avoir formé le lac qu'on a nommé la mer de la Paille, le Tage se rétrécit pour se jeter dans l'Océan. Ses maisons, placées sur les bords du fleuve et sur plusieurs collines, forment amphithéâtre, en suivant, dans une étendue de plus d'une lieue, le cours du fleuve.
Ces édifices, ainsi disposés par étages, au milieu desquels surgissent les hautes tours et les môles du port, ces nombreux vaisseaux qui stationnent dans la vaste nappe d'eau du fleuve, et, au delà de ce premier plan, les montagnes chargées de riches plantations qui dominent la ville, tout cela offre un coup-d'œil magnifique, auquel malheureusement l'intérieur de la ville ne répond pas. La partie vieille est celle qui a échappé au fameux tremblement de terre de 1755; les rues y sont étroites, tortueuses, sales, obscures, encaissées entre des maisons mesquines, hautes de cinq à six étages. La partie neuve, contraste avec celle-ci parla largeur de la voie publique, les dimensions mieux entendues des maisons, et où l'on trouve un certain nombre de rues bien alignées et garnies de trottoirs.

Elles sont toutes éclairées pendant la nuit et surveillées par une garde active. En général, les maisons sont en bois, à l'exception de quelques parties extérieures qui sont revêtues de pierres. Lisbonne renferme un monument que l'on peut mettre en parallèle avec tout ce que l'antiquité a produit de plus beau dans ce genre: c'est un aqueduc qui amène à la ville les eaux dune colline éloignée de près de trois lieues, et alimente trente-quatre fontaines publiques. Cet aqueduc, construit il y a près d'un siècle, se divise en deux branches qui desservent, l'une la partie nord, l'autre la partie nord-ouest de la ville.
Pelourinho de Lisboa Praça do Município 1849 - Foi erigido depois do terramoto de 1755


La première est dans le style gothique, la seconde d'architecture romaine. Lisbonne compte quelques beaux hôtels dont l'ameublement intérieur n'est pas sans magnificence, et contraste étrangement avec l'état misérable et sale des maisons du peuple. Non seulement cette ville fait presque tout le commerce des colonies portugaises, mais encore près des trois cinquièmes de celui de tout le royaume avec l'étranger. Son port, qui n'est, à proprement parler, au'un mouillage très sûr, formé par le fleuve, dont la largeur est en cet endroit d'un tiers de lieue, peut recevoir des vaisseaux de guerre de haut bord; toute la côte voisine est d'un abord facile et protégée par de nombreuses batteries et par deux forts. En face de l'un d'eux, au milieu même de l'entrée du Tage, s'élève la tour de Bugio, d'une défense formidable. Près du port sont des bassins et des chantiers de construction. La température de Lisbonne est assez constante;l'hiver y est humide; les pluies sont surtout fréquentes de novembre à février. Le froid et les gelées y sont presque inconnus.

On y éprouve encore quelques secousses de tremblement de terre, quand à un automne sec succèdent tout à coup des pluies abondantes. Le peu d'activité des habitants de Lisbonne donnera cette ville une teinte de tristesse;ils sont d'ailleurs superstitieux, portés à se venger; mais sobres, économes et loyaux dans leurs relations commerciales. Parmi les hommes célèbres que Lisbonne a vus naître, on doit citer, le célèbre poète Camoens. Les environs de Lisbonne sont enchanteurs; on y voit une infinité de maisons de campagne, souvent très belles et ornées de jardins charmants. Lisbonne a été occupée par les Romains, qui y ont laissé des traces de leur passage.
Auguste la peupla presque entièrement de citoyens romains, et l'éleva au rang de ville municipale. On y a trouvé, vers la fin du siècle dernier, des débris d'un théâtre bâti par ce peuple. Les Maures s'emparèrent de Lisbonne dès le premier siècle de l'Eglise, elle leur fut enlevée et détruite dix siècles plus tard; mais sur ses ruines s'éleva une nouvelle ville, que les Maures envahirent et perdirent ensuite à deux reprises différentes.

En 1807, l'armée française s'empara de Lisbonne, et y résista quelque temps aux forces combinées des Anglais et des Portugais. Quand nous fûmes forcés d'évacuer cette place, les Anglais la mirent à l'abri d'un coup de main, au moyen de travaux militaires exécutés sur une suite de hauteur à cinq lieues de distance de la ville. Deux ans plus tard, les Français revinrent, sous le commandement de Masséna, attaquer Lisbonne: mais ces fortifications firent son salut. Sans les tremblements de terre et le fatal protectorat de l'Angleterre, qui a si longtemps paralysé, et paralysera longtemps encore peut-être, l'industrie portugaise, Lisbonne aurait atteint un haut degré de prospérité. Sa position éminemment favorable au commerce maritime, et la beauté de son port, doivent, tôt ou tard, rendre celui-ci l'un des premiers du monde.

Fournier, Hippolyte (ingénieur civil). Histoire pittoresque des villes les plus remarquables de la France, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre et l'Espagne. 1849. 

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