Forcement du Tage, par l´Amiral Roussin en 1831, |
Le commandant avait mission de demander réparation pour les Français qui avaient souffert dans leur honneur et dans leurs intérêts. Le gouvernement portugais n'en fit pas moins exécuter la sentence de flagellation.
Alors le Tage fut bloqué. Mais la division qui y croisait ayant paru insuffisante, une escadre fut armée sous le commandement du contre-amiral Roussin. Il arbora son pavillon sur le vaisseau le Suffren, et partit de Brest le 16 juin 1831.
Le 20, il arriva à la vue du cap la Roque, où il apprit que le gouvernement de don Miguel faisait des préparatifs de résistance. Le blocus fut maintenu, et la division commandée par le contre-amiral rallia le pavillon du commandant en chef. Le 1er juillet, une corvette portugaise, chassée par un des bâtiments de la division, vint se réfugier dans la baie de Cascais, où elle mouilla sous la protection du fort, qui tira sur le bâtiment français. L'escadre riposta. Le Suffren et la Melpomène vinrent canonner la forteresse, qui continua de tirer pendant trois quarts d'heure. Le bâtiment portugais fut amariné. La guerre était donc déclarée. Le contre-amiral Roussin prépara ses instructions pour son escadre, qui était ralliée devant l'embouchure du Tage. Elle se composait des vaisseaux le Suffren, commandant en chef; le Trident, le Marengo, l'Algésiras, la Ville-de-Marseille, l'Alger; des frégates la Melpomène, la Pallas, la Didon; des corvettes l'Eglée et la Perle; des bricks Vendymion et le Dragon. Le 9 juillet, le contre-amiral Roussin envoya ce dernier bâtiment en parlementaire porter les propositions définitives au gouvernement portugais, et il devait attendre vingt quatre heures la réponse. Indépendamment de cette sommation officielle, le commandant en chef écrivit confidentiellement au vicomte de Santarem pour l'engager à préférer le rétablissement encore possible de la paix, à la continuation certaine d'une guerre imminente.
En même temps, le contre amiral Roussin faisait lire sur les bâtiments de l'escadre l'ordre du jour qui annonçait la détermination d'entrer de vive force dans le fleuve, et il écrivait aux consuls pour les prévenir de l'état des choses.
Le 10, le Dragon revint avec la réponse du ministre des affaires étrangères du Portugal, qui rejetait les propositions de la France. Le contre-amiral Roussin ne dut pas attendre davantage pour agir. Le lendemain matin, il signala à l'escadre de prendre l'ordre de bataille, pour forcer les passes du Tage. Les vaisseaux de tête étaient déjà par le travers des forts Saint-Julien et Bugio, qui ouvrirent, les premiers, le feu. L'escadre continua sa marche pendant dix minutes sans riposter. Bientôt le Marengo, l'Algésiras, le Suffren, et successivement toute la ligne, tirèrent et franchirent les deux formidables forts d'entrée, qu'ils réduisirent. Le contre-amiral Roussin rangea le fort Belem à soixante toises, le canonna vivement et lui fit amener pavillon. Pendant ce temps, les deux vaisseaux de tète, qui venaient de jeter l'ancre, remirent à la voile et rejoignirent l'escadre.
Baron de Roussin, Amiral de France (1781-1854) |
A cinq heures, cette escadre était mouillée devant Lisbonne, en face du palais du gouvernement. Le contre-amiral envoya sur-le-champ son chef d'état major porter au ministre portugais sa dernière sommation.
« La France, toujours généreuse, lui écrivait le commandant en chef, vous offre les mêmes conditions qu'avant la victoire. »
Vaincu par la force et la générosité, le gouvernement portugais céda, et envoya son adhésion à toutes les demandes de la France. Le 26 juillet, une ordonnance royale promut le contre amiral Roussin au grade de vice-amiral. Après avoir terminé par la victoire la mission qui l'avait conduit à Lisbonne, le vice-amiral Roussin traita avec le gouvernement portugais de plusieurs objets d'intérêt national : il établit à Lisbonne un agent français pour protéger ses compatriotes, et obtint l'abrogation de plusieurs usages vexatoires pour eux. La présence du vice-amiral Roussin n'étant plus nécessaire dans le Tage, il reçut l'ordre de venir en France avec une partie des bâtiments capturés. Instruit de ces dispositions, le gouvernement portugais prit des mesures hostiles pour s'y opposer.
Dès lors le commandant de l'escadre française se décida à emmener tous les bâtiments. Le 14 août, il remit le commandement de la station à son successeur, et sortit du fleuve pour rejoindre sa flotte et faire route pour Brest, où il arriva le 4 septembre suivant.
Cette expédition, si habilement conduite, si hardiment exécutée, eut cependant peu de retentissement en France, et le gouvernement lui-même ne parla qu'avec une satisfaction contenue d'un succès qui semblait honorer sa fermeté, mais dont il craignait que l'Angleterre ne prît ombrage. L'amiral Roussin eut même le -regret de voir l'administration frapper d'une sorte de discrédit son brillant fait d'armes, en déclarant que les bâtiments qu'il avait légalement capturés Cette expédition, si habilement conduite, si hardiment exécutée, eut cependant peu de retentissement en France, et le gouvernement lui-même ne parla qu'avec une satisfaction contenue d'un succès qui semblait honorer sa fermeté, mais dont il craignait que l'Angleterre ne prît ombrage.
Corgnac, E. de (18..-19..). Histoire de la marine française, fastes de la marine militaire de la France , par E. de Corgnac. 1879.
La flotte française force l'entrée du Tage, Horace Vernet, c. 1840 |
Le Tage forcé par la flotte française. |
Pierre-Julien Gilbert, gravure Chavane, 1837. |
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