Alvares Cabral. Découverte du Brésil

Tour de Belem au milieu du Taje
Tour de Belem au milieu du Taje
Le 9 mars 1500, une flotte de treize bâtiments quittait le Rastello sous les ordres de Pedro Alvares Cabral; elle comptait comme volontaire Luiz de Camoes qui devait illustrer dans son poème des Lusiades la valeur et l'esprit aventureux de ses compatriotes. On sait bien peu de chose de Cabral, et l'on ignore complètement ce qui lui avait valu le commandement de cette importante expédition.
Cabral appartenait à l'une des plus illustres familles du Portugal, et son père Fernando Cabral, seigneur de Zurara da Beira, était alcaïde môr de Belmonte.
Quant à Pedro Alvares, il avait épousé Isabel de Castro, première dame de l'infante dona Maria, fille de Jean III. 


Cabral s'était-il fait un nom par quelque importante découverte maritime? il n'y a pas lieu de le croire, car les historiens nous en auraient conservé le récit. Il est cependant assez difficile d'admettre que la faveur seule lui ait valu le commandement en chef d'une expédition dans laquelle des hommes, comme Bartholomeu Dias, Nicolas Coelho, le compagnon de Gama, Sancho de Thovar étaient sous ses ordres. Pourquoi cette mission n'avait elle pas été confiée à Gama, revenu depuis six mois, et qui, par sa connaissance des pays parcourus, aussi bien que des moeurs des habitants, semblait tout naturellement indiqué? N'était-il pas encore remis de ses fatigues? La douleur de la perte de son frère mort presque en vue des côtes de Portugal l'avait-elle si profondément affecté qu'il voulut se tenir à l'écart ? Ne serait-ce pas plutôt que le Roi Emmanuel, jaloux de la gloire de Gama, ne voulut pas lui fournir l'occasion d'accroître sa renommée? Autant de problèmes que l'histoire sera peut-être toujours impuissante à résoudre.
On croit facilement à la réalisation de ce qu'on désire vivement. Emmanuel s'était figuré que le zamorin de Calicut ne s'opposerait pas à l'établissement « dans ses états de comptoirs et de factories portugaises, et Cabral, qui emportait des présents dont la magnificence devait faire oublier la mesquinerie de ceux que Gama lui avait présentés, reçut l'ordre d'obtenir qu'il interdît aux Maures tout commerce dans sa capitale. En outre, le nouveau capitam môr devait relâcher à Mélinde, offrir au roi des cadeaux somptueux et reconduire auprès de lui le Maure qui avait pris passage sur la flotte de Gama. Enfin seize religieux, embarqués sur la flotte, devaient aller répandre dans les lointaines contrées de l'Asie la connaissance de l'Évangile.
Après treize jours de navigation, la flotte avait dépassé les îles du cap Vert, lorsqu'on s'aperçut que le navire commandé par Vasco d'Attaïde ne marchait plus de conserve.

Hommes d'armes sur un navire portugais
On mit quelque temps en panne pour l'attendre, mais ce fut en vain, et les douze autres bâtiments continuèrent leur navigation en pleine mer et non plus de cap en cap sur les rivages de l'Afrique, comme on l'avait fait jusqu'alors.
Cabral espérait éviter ainsi les calmes qui avaient retardé les expéditions précédentes dans le golfe de Guinée. Peut-être même le capitam môr, qui devait être au courant, comme tous ses compatriotes, des découvertes de Christophe Colomb, avait-il le secret espoir d'atteindre en s'enfonçant dans l'ouest quelque région échappée au grand navigateur ?
Qu'il faille attribuer ce fait à la tempête ou à quelque dessein caché, toujours est-il que la- flotte était hors de la route à suivre pour doubler le cap de Bonne-Espérance, lorsque, le 22 avril, on découvrit une haute montagne et bientôt après une longue suite de côtes qui reçut le nom de Vera-Cruz, nom changé plus tard en celui de Santa-Cruz. C'était le Brésil et l'endroit même où s'élève aujourd'hui Porto-Seguro.
Dès le 28, après une habile reconnaissance du littoral par Coelho, les marins le premier jour le sacrifice de leur vie et l'attendaient à tout moment à être submergés.
Lorsque la lumière revint enfin, lorsque les flots se calmèrent, chaque équipage, croyant être le seul à survivre, jeta les yeux sur la mer et chercha ses compagnons.

L'équipage
Trois navires se retrouvèrent avec une joie que vint bien vite abattre la triste réalité. Huit bâtiments manquaient. Quatre avaient été engloutis corps et biens par une trombe gigantesque pendant les derniers jours de la tempête. L'un d'eux était commandé par Bartholomeu Dias, qui, le premier, avait découvert le cap de Bonne-Espérance. Il avait été submergé par ces flots meurtriers, défenseurs, comme dit Camoes, de l'empire d'Orient, contre les peuples de l'ouest qui depuis tant de siècles convoitaient ses merveilleuses richesses.

Pendant cette série de tempêtes, le Cap avait été doublé et l'on approchait des côtes d'Afrique. Le 20 juillet, Mozambique fut signalée. Les Maures firent preuve cette fois de dispositions plus bienveillantes qu'à l'époque du voyage de Gama, et ils fournirent aux Portugais des pilotes qui les conduisirent à Quiloa, île fameuse par le commerce de poudre d'or qu'elle faisait avec Sofala. Là, Cabral retrouva deux de ses navires, qu'un coup de vent y avait jetés, et, après avoir déjoué par un prompt départ un complot qui avait pour but le massacre général des Européens, il arriva sans incident fâcheux à Mélinde.Le séjour de la flotte dans ce port fut l'occasion de fêtes et de réjouissances sans nombre, et, bientôt, ravitaillés, radoubés, munis d'excellents pilotes, les navires portugais partirent pour Calicut, où ils arrivèrent le 13 décembre 1509.

Quiloa



Cette fois, grâce à la puissance de leur armement, ainsi qu'à la richesse des présents offerts au zamorin, l'accueil fut différent, et ce prince versatile consentit à tout ce que réclamait Cabral: privilège exclusif du commerce des aromates et de l'épicerie et droit de saisie sur les navires qui enfreindraient cette prescription.
Pendant quelque temps, les Maures dissimulèrent leur mécontentement ;
mais, lorsqu'ils eurent bien exaspéré la population contre les étrangers, ils se précipitèrent, à un signal donné, dans la factorie que dirigeait Ayrès Correa et massacrèrent une cinquantaine de Portugais qu'ils y surprirent.


La vengeance ne se fit pas attendre. Dix bâtiments, mouillés dans le port, furent pris, pillés, brûlés sous les yeux des Hindous, impuissants à s'y opposer; et la ville, bombardée, fut à demi ensevelie sous ses ruines.
Puis Cabral, continuant l'exploration de la côte de Malabar, arriva à Cochin.
dont le radjah, vassal du zamorin, se hâta de faire alliance avec les Portugais et saisit avec empressement cette occasion de se déclarer indépendant.
Bien que sa flotte fût déjà richement chargée, Cabral visita encore Cananor, ou il conclut un traité d'alliance avec le radjah du pays; puis, impatient de revenir en Europe, il mit à là voile.
En côtoyant le rivage de l'Afrique, baigné par la mer des Indes, il découvrit Sofala, qui avait échappé aux recherches de Gama, et rentra, le 13 juillet 1501. à Lisbonne, où il eut le plaisir de retrouver les deux derniers navires qu'il croyait perdus.

Intérieur d'un navire
Intérieur d'un navire
On se plaît à croire qu'il reçut l'accueil que méritaient les importants résultats obtenus dans cette mémorable expédition. Si les historiens contemporains sont muets sur les particularités de son existence depuis son retour, des recherches ont fait retrouver son tombeau à Santarem, et d'heureuses trouvailles de M. Ferd. Denis ont prouvé qu'il reçut, comme Vasco da Gama, la qualification de dom, en récompense de ses glorieux services.
Tandis qu'il revenait en Europe, Alvares Cabral aurait pu rencontrer une flotte de quatre caravelles, sous le commandement de Joao da Nova, que le roi Emmanuel envoyait pour donner un nouvel essor aux relations commerciales que Cabral avait dû établir aux Indes. Cette nouvelle expédition doubla sans encombre le cap de Bonne-Espérance, découvrit, entre Mozambique et Quiloa, une île inconnue qui reçut le nom du commandant, et arriva à Mélinde, où elle apprit les événements qui s'étaient passés à Calicut.
Da Nova ne disposait pas de forces assez redoutables pour aller châtier le zamorin. Ne voulant pas risquer de compromettre par un échec le prestige des armes portugaises, il se dirigea vers Cochin et Cananor, dont les rois tributaires du zamorin avaient fait alliance avec Alvares Cabral. Il avait déjà chargé sur ses bâtiments mille quintaux de poivre, cinquante de gingembre et quatre cent cinquante de cannelle, lorsqu'il fut averti qu'une flotte considérable, paraissant venir de Calicut, s'avançait avec des dispositions hostiles. Si Da Nova s'était jusqu'ici plus soucié de commerce que de guerre, il ne se montra pas, dans cette circonstance critique, moins hardi et moins brave que ses prédécesseurs.
Il accepta le combat, malgré la supériorité apparente des Hindous, et, grâce aux habiles dispositions qu'il sut prendre, grâce à la puissance de son artillerie, il dispersa, prit ou coula les navires ennemis.
Peut-être aurait-il dû profiter de l'épouvante que. sa victoire avait jetée sur toute la côte et de l'épuisement momentané des ressources des Maures pour frapper un grand coup en s'emparant de Calicut?

Intérieur d'un navire
Mais nous sommes trop loin des événements, nous en connaissons trop peu le détail pour apprécier avec impartialité les raisons qui engagèrent da Nova à revenir immédiatement en Europe. Ce fut dans cette dernière partie du voyage qu'il découvrit, au milieu de l'Atlantique, la petite île de Sainte-Hélène. Une curieuse légende se rattache à cette découverte. Un certain Fernando Lopes, qui avait suivi Gama aux Indes, avait dû, pour épouser une Hindoue, renoncer au christianisme et se faire mahométan. Au passage de da Nova, soit qu'il eût assez de la femme ou de la religion, il demanda à être rapatrié et reprit son ancien culte. Lorsqu'on visita Sainte-Hélène, Lopes, pour obéir à une idée subite qu'il prit pour une inspiration d'en haut, demanda à y être débarqué afin d'expier, disait-il, sa détestable apostasie et la réparer par son dévouement à l'humanité. Sa volonté parut si bien arrêtée que da Nova dut y consentir, et il lui laissa, comme il le demandait, des semences de fruits et de légumes. Nous devons ajouter que cet étrange ermite, pendant quatre ans, travailla au défrichement et à la plantation de l'île avec un tel succès, que les navires y trouvèrent bientôt à se ravitailler pendant la longue traversée d'Europe au cap de Bonne-Espérance.






SENDIM, Maurício José do Carmo, 1786-1870
Le débarquement des Portugais au Brésil Roque Gameiro & Conc. Silva. - Lisboa : José Bastos
Facade de l'église da Graça à Santarém ,où est enterré Pedro Alvares Cabral

Eglise da Graça à Santarém ,où est enterré Pedro Alvares Cabral
Eglise da Graça à Santarém aujourd'hui

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