En même temps qu'il envoyait Diaz
chercher dans le sud de l'Afrique la route des Indes, le roi de Portugal, Jean
II, chargeait deux gentilshommes de sa cour de s'informer s'il ne serait pas
possible d'y pénétrer par une voie plus facile, plus rapide et plus sûre :
l'isthme de Suez, la mer Rouge et l'Océan indien.
Une telle mission exigeait un homme
habile, entreprenant, bien au courant des difficultés d'un voyage dans ces
régions, connaissant les langues orientales et tout au moins l'arabe. Il
fallait un agent de caractère souple et dissimulé, capable, en un mot, de ne
pas laisser pénétrer des projets qui ne tendaient à rien moins qu'à retirer des
mains des Musulmans, des Arabes et par eux des Vénitiens, tout le commerce de
l'Asie pour en doter le Portugal.
Un navigateur expérimenté, Pedro
de Covilham, qui avait servi avec distinction sous Alphonse V dans la guerre de
Castille, avait fait un assez long séjour en Afrique. Ce fut sur lui que Jean
II jeta les yeux. On lui adjoignit Alonzo de Païva, et tous deux, munis
d'instructions détaillées ainsi que d'une carte tracée d'après la mappemonde de
l'évêque Calsadilla, suivant laquelle on pouvait faire le tour de l'Afrique,
partirent de Lisbonne au mois de mai 1487.
Les deux voyageurs gagnèrent
Alexandrie et le Caire, où ils furent assez heureux pour rencontrer des
marchands maures de Fez et de Tlemcen qui les conduisirent à Thor, l'ancienne
Asiongaber, au pied du Sinaï, où ils purent se procurer de précieux
renseignements sur le commerce de Calicut.
Covilham résolut de profiter de
cette heureuse circonstance pour visiter un pays sur lequel, depuis un siècle,
le Portugal jetait un regard de convoitise, tandis que Païva allait s'enfoncer,
dans les régions alors si vaguement désignées sous le nom d'Ethiopie, à la
recherche de ce fameux prêtre Jean, qui régnait, racontaient les anciens
voyageurs, sur une contrée de l'Afrique merveilleusement riche et fertile.
Païva périt sans doute dans sa tentative aventureuse, car on ne retrouve plus
ses traces.
Quant à Covilham, il gagna Aden où
il s'embarqua pour la côte de Malabar.
Il visita successivement Cananor,
Calicut, Goa, et recueillit des informations précises sur le commerce et les
productions des pays voisins de la mer des Indes, sans éveiller les soupçons
des Hindous, bien éloignés de penser que l'accueil bienveillant et amical
qu'ils faisaient au voyageur assurait la ruine et l'asservissement de leur
patrie.
Covilham, croyant n'avoir pas
encore assez fait pour son pays, quitta l'Inde, gagna la côte orientale
d'Afrique, où il visita Mozambique, Sofala, depuis longtemps fameuse par ses
mines d'or, dont la réputation était venue avec les Arabes jusqu'en Europe, et
Zeila, YAvalites portus des anciens, la ville principale de la côte d'Adel, à
l'entrée du golfe arabique, sur la mer d'Oman. Après un assez long séjour dans
cette contrée, il revint par Aden, alors le principal entrepôt du commerce de
l'Orient, poussa jusqu'à l'entrée du golfe Persique, à Ormuz.
puis, remontant la mer Rouge, il
regagna le Caire.
Jean Il avait envoyé deux juifs
instruits qui devaient y attendre Covilham.
Celui-ci remit à l'un d'eux, le
rabbin Abraham Beja, ses notes, l'itinéraire de ses voyages et une carte
d'Afrique qu'un musulman lui avait donnée, en le chargeant de porter le tout à
Lisbonne, dans le plus bref délai possible.
Pour lui, non content de ce qu'il
avait fait jusque-là, et voulant exécuter la mission que la mort avait empêché
Païva d'accomplir, il pénétra en Abyssinie, dont le negous, connu sous le nom
de prêtre Jean, flatté de voir son alliance recherchée par un des souverains
les plus puissants de l'Europe, l'accueillit avec une extrême bienveillance, et
lui confia même une haute position à sa cour, mais, pour s'assurer la
continuité de ses services, il se refusa constamment à lui laisser quitter le
pays. Bien qu'il se fût marié et qu'il eût des enfants, Covilham pensait toujours à sa patrie, et,
lorsqu'en 1525 une ambassade portugaise, dont faisait partie Alvarès, vint en
Abyssinie, il vit partir avec le plus profond regret ses compatriotes, et le
chapelain de l'expédition s'est fait naïvement l'écho de ses plaintes et de sa
douleur.
( En fournissant, dit M. Ferdinand
Denis, sur la possibilité de la circumnavigation de l'Afrique, des
renseignements précis, en indiquant la route des Indes, en donnant sur le
commerce de ces contrées les notions les plus positives et les plus étendues,
en faisant surtout la description des mines d'or de Sofala, qui dut exciter la
cupidité portugaise, Covilham contribua puissamment à accélérer
l'expédition de Gama. »
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