1507 capture d'Ormuz - (Afonso de Albuquerque)

Afonso d'Albuquerque prend Ormuz sur la côte méridionale de l'Arabie. Cette conquête a donné le contrôle portugais du commerce entre l'Inde et l'Europe passant par le Golfe Persique.

Carte portugaise d'Ormuz, le 17ème siècle
Forteresse d'Ormuz XVII siècle
Alphonse d'Albuquerque se résignait avec peine à croiser dans les eaux de la mer Rouge, et impatient de se signaler par quelque entreprise utile à son pays, il avait conçu le projet de s'emparer d'Ormus. Aussi dès qu'il se vit hors de la dépendance de Tristan d'Acugna, il songea à mettre à exécution cet audacieux projet. Le royaume d'Ormus était à cette époque un des États les plus puissants de l'Arabie , et son importance était due particulièrement à la position de sa capitale dans l'île de Gerun, à l'entrée du golfe Persique. Cette île n'a que cinq à six lieues de circuit; mais elle possède deux ports magnifiques et si avantageusement situés qu'on les dirait faits exprès pour servir d'entrepôt au commerce de tout l'Orient.
On voyait en effet afluer à Ormus toutes les richesses de l'Europe , de l'Asie et de l'Afrique, et les habitants, presque tous mahométans, étaient connus par leur amour du luxe et des plaisirs, ce qui ne les empêchait pas d'être bons soldats quand le besoin. l'exigeait. N'ayant avec lui que sept bâtiments et près de cinq cents Portugais, Albuquerque cingle vers le cap de Rosalgate. Il se présente devant Calajate, et cette ville lui ouvre ses portes. Curiate , plus fière réprouve le sort des armes ; la confiance qu'elle a dans ses propres forces cause sa ruine. Mascate pourrait, résister ; elle n'en plie pas moins sous le joug par la prudence de son gouverneur ; mais la nuit suivante deux mille Arabes entrent dans la ville et la soulèvent contre les Portugais.
Forte de Soar (Sohar) - Oman
 Ils sont battus par Albuquerque, et attirent sur les habitants tous les maux dont ils avaient voulu les défendre. Soar et Orphasan, quoique fortitiés, n'ont pas le courage de se défendre. Les habitants de cette dernière ville s'enfuient dans les bois, et les Portugais, ne trouvant ni soumission ni résistance, la pillent et la réduisent en cendres. Ainsi précédé par la terreur, Albuquerque vint enfin mouiller en face d'Ormus, le 25 septembre 1507. Après avoir salué la ville et le palais du roi d'une décharge générale de son artillerie, il envoya un parlementaire annoncer au prince le motif de sa visite.
Ce n'était pas, disait-il, pour porter la guerre qu'il venait dans ce pays, mais pour lui offrir la paix ; qu'à la vérité on ne pouvait obtenir cette paix autrement qu'en se soumettant au roi de Portugal , mais que ce roi était si grand et si puissant qu'on était plus heureux de lui obéir que de commander des empires, et que si les habitants d'Ormus étaient assez aveugles pour mépriser ses offres, ils avaient tout à craindre de ses armes. Zeifadin qui occupait alors le trône ; mais trop jeune encore pour gouverner, il était sous la tutelle d'un eunuque nommé Atar, homme habile et ambitieux qui conduisait toutes les affaires. Celui-ci trouva étrange la proposition des Portugais ; mais il n'ignorait pas les grandes choses que ce peuple avait accomplies depuis peu en Afrique et aux Indes; et, d'un autre côté, il craignait que les mécontents du royaume ne profitassent de ces circonstances pour renverser le gouvernement. Il prit donc le parti de dissimuler; et, sans rien conclure, il renvoya le parlementaire avec une lettre et de magnifiques présents pour le général portugais. Albuquerque prit la lettre et refusa les présents, disant qu'il n'en accepterait pas avant de savoir s'il devait traiter le roi d'Ormus comme son ami ou comme son ennemi.
Ormus ou Ormuz 16ème siècle
Quelques jours après, Atar, ayant rassemblé ses forces, envoie une seconde lettre pleine d'insultes. Albuquerque, qui s'y attendait, fait aussitôt appareiller, et rangeant ses batteries à l'entrée de la rade, il commence le feu. L'ennemi, distribué dans un grand nombre de petits bâtiments qu'Atar commandait en personne, s'avance hardiment, caché par la fumée du canon, lance une nuée de flèches et court à l'abordage. Les Portugais sont obligés de se défendre corps à corps, à coups de piques , de haches et de leviers ; cependant leur artillerie continue à foudroyer les assaillants , et Atar est contraint de se retirer. Délivré de l'importunité de ces petites embarcations , Albuquerque charge deux gros vaisseaux que défendaient cinq à six cents hommes, et les coule à fond. Ses capitaines imitent son exemple en s'attachant à divers autres bâtiments ; et bientôt la mer est couverte de débris et ses flots rougis par le sang. Quand les ennemis étaient las de résister, ils se jetaient à la nage ; les Portugais, descendant dans les chaloupes , les assommaient comme un vil bétail ou les forçaient à se noyer. Le combat avait duré huit heures. Albuquerque , ne voyant plus personne qui osât lui résister, fit mettre le feu à tous les bâtiments abandonnés, et la ville eût subi le même sort si, ayant égard au petit nombre et à la lassitude de ses soldats, il n'eût fait sonner la retraite. Entraînés par le vent de terre, les vaisseaux embrasés allèrent se consumer sur les côtes de la Caramanie et de l'Arabie , où ils répandirent l'effroi et la consternation. La présomption d'Atar s'était changée en un profond découragement.
Il se dépêcha d'envoyer un parlementaire au général portugais pour lui représenter le déplorable état où se trouvait la ville d'Ormus et implorer sa merci. Albuquerque exigea que Zeil'adin se reconnût vassal de la couronne de Portugal et donnât dans la ville un emplacement pour y construire une forteresse, s'engageant de son côté, au nom d'Emmanuel, à prendre le roi d'Ormus sous sa protection, et à le défendre contre tous ses ennemis.
Afonso d'Albuquerque
Ces conditions ayant été acceptées, on les grava sur des lames d'or, et on les publia ensuite avec toutes les démonstrations de joie que pouvait permettre le deuil où les habitants étaient plongés. L'emplacement de la citadelle fut marqué sur la jetée qui sépare les deux ports, et aussitôt l'on commença les travaux, auxquels tout le monde prit part depuis le général jusqu'au dernier matelot. Mais toute la prudence d'Albuquerque ne put parvenir à cacher le petit nombre de ses gens. Atar s'en aperçut, et confus d'avoir cédé à une poignée d'hommes, il forma le projet de réparer sa faute , sinon par la force ouverte, du moins par la ruse et la trahison. Il commença par débaucher à force d'argent quelques ouvriers portugais qu'il sut employer utilement à ses desseins. Albuquerque les réclama, il ne reçut que des réponses évasives.
D'un autre côté, Atar avait soin qu'il manquât toujours quelque chose à ceux qui travaillaient à la citadelle , de sorte que l'ouvrage n'avançait que lentement. Cependant Albuquerque , dont le caractère était dur et sévère, voulait que les choses marchassent couramment, et sa rigidité déplut à un grand nombre d'officiers et de soldats qui auraient mieux aimé croiser que d'être employés comme de simples manoeuvres à un travail sans profit. Le général ne dit rien d'abord ; mais les mutins eurent l'audace de lui présenter une requête, dans laquelle ils le sommèrent d'abandonner le golfe Arabique et de reprendre le chemin de la mer Rouge, suivant les ordres qu'il avait reçus de la cour. Albuquerque prit le papier avec un sourire moqueur, et pour témoigner le cas qu'il en faisait, il l'envoya mettre sur-le-champ dans les fondements d'une des portes de la citadelle, qu'on appela depuis, par dérision , la porte de la Requête. Dans le même temps arriva l'ambassade que le roi de Perse avait coutume d'envoyer tous les ans pour prendre le tribut que lui payait la ville d'Ormus.

 Albuquerque, à qui les ministres de Zeifadin vinrent aussitôt soumettre ce cas embarrassant, fit apporter un bassin plein de boulets et de fers de lances , et dit aux ministres avec une fierté pleine d'assurance et de noblesse : « Allez porter cela aux ambassadeurs du roi de Perse, et dites-leur que c'est le seul tribut que puissent lui payer les vassaux du roi mon-maître : si on le refuse, je saurai le faire accepter.» Cette fermete aigrit encore davantage les esprits des Portugais, et tout faisait craindre de leur part une révolte ouverte. Albuquerque, qui savait qu'Atar songeait à recommencer les hostilités, convoqua ses officiers, et après leur avoir représenté avec énergie les risques où ils s'étaient jetés par leur propre faute, il leur peignit avec des couleurs si vives les devoirs que leur imposaient l'amour du pays et leur propre sûreté, qu'il les fit tous rentrer dans l'obéissance. Il ordonna ensuite à tous les Portugais qui se trouvaient dans la ville, ou occupés aux travaux de la citadelle/de se rembarquer, et ils obéirent sur le-champ. Atar, qui avait espéré les prendre au dépourvu , fit sonner l'alarme ; mais il n'était plus temps : il fut obligé de se contenter de brûler un vaisseau que les Portugais avaient tiré sur les chantiers pour le réparer. Albuquerque canonna la ville pendant huit jours. Voyant que cela ne bâtait pas beaucoup le résultat, il prit le parti d'affamer la place, en faisant faire à ses vaisseaux une ronde continuelle autour de l'île et en capturant tous les bâtiments qui cherchaient à y porter des vivres ; car l'île n'est qu'un rocher nu et stérile. Il s'empara en outre de quelques puits, les seuls où les habitants pouvaient faire leur provision d'eau; mais comme il s'obstinait à placer une pièce d'artillerie sur une éminence voisine, il fut blessé et contraint de se rembarquer, laissant à ses capitaines, qui avaient désapprouvé l'entreprise, la joie maligne d'avoir eu raison dans cette occasion.
Peu habitués à ressentir les angoisses de la disette, les habitants d'Ormus étaient sur le point de se soulever contre Atar, qui souvent se voyait obligé de repousser à main armée la populace qui venait lui demander du pain ; et Albuquerque se flattait déjà d'être arrivé au but qu'il désirait, quand trois de ses capitales l'abandonnèrent honteusement, et firent voile pour l'Inde, ou ils le chargèrent auprès du vice-roi des plus noires calomnies.
Cette trahison le piqua au vif. Il n'en persista pas moins dans le dessein de forcer Ormus à se livrer à discrétion. Il envoya à Atar les cadavres de deux princes voisins qui, voulant pénétrer dans l'île, avaient été tués ; et lui fit dire qu'il enverrait dans le même état tous ceux qui tenteraient de lui porter secours. A la fin cependant, son courroux s'étant apaisé, il reconnut l'impossibilité où il était réduit de rien entreprendre de décisif, et il partit pour Socotora, où il arriva sur la fin de janvier 1508.


Le Roi du Portugal en 1505 avait résolu de contrecarrer le commerce Musulman à l'océan Indien en capturant Aden, bloquer le commerce par Alexandrie et ainsi contrôler le commerce avec la Chine.
Une flotte sous le commandement de Tristão da Cunha a été envoyée pour capturer le fort Musulman sur Socotra et contrôler l'entrée de la Mer Rouge.

Méry, Léopold. Emmanuel, ou la Domination portugaise dans les Indes Orientales au XVIe siècle, par Léopold Méry. 2e édition. 1854.

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